Cela fait très exactement 259 jours que Donald Trump a été investi comme président des États-Unis au cours d’une cérémonie d’investiture dégoûtante qui, on s’en souvient, avait notamment été marquée par un salut nazi de son principal soutien et financeur Elon Musk.
Durant les premières semaines de son mandat, j’avais écrit plusieurs posts pour exprimer mes craintes de voir les États-Unis basculer dans un régime autoritaire. Six mois plus tard, ces craintes se vérifient : sans la moindre discussion possible, Trump et son administration sont en train de d’effectuer un travail de sape brutal et implacable de tout ce qui faisait de ce pays une démocratie (certes très imparfaite). Et à la différence de ce qui se passe avec Emmanuel Macron, il ne s’agit pas d’un homme et d’une petite clique qui pousse au maximum les limites de ce qu’il est possible de faire dans le cadre des institutions pour se maintenir au pouvoir et éviter une remise en cause de ce qu’il estime être son œuvre (la réforme des retraites et la « modernisation » du pays) : il s’agit d’un homme qui a clairement pour PROJET de réduire au silence voire d’anéantir tout ce qui s’oppose à lui, et d’instaurer ce qu’il faut bien appeler une dictature – qui plus est une dictature impérialiste, raciste, suprémaciste, sexiste, homophobe, obscurantiste…
Ce qui se passe aux États-Unis depuis le début de l’année est un cauchemar, et il est essentiel de le comprendre, car chez nous aussi, des forces politiques attendent leur heure pour mettre en œuvre à peu près le même agenda.
Analyse.
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Lorsque Donald Trump est arrivé au pouvoir, l’une des premières réactions de beaucoup (moi y compris) a été une forme de stupéfaction : comment un type aussi stupide, aussi inculte, aussi dénué d’empathie, aussi méchant, aussi vaniteux et aussi menteur, comment un type chez qui ces travers relèvent aussi spectaculairement de la pathologie mentale, comment un type aussi manifestement médiocre et méprisable a-t-il pu être choisi comme président par les Américains ? Plus incompréhensible encore, et plus honteux, comment un dégénéré pareil a-t-il pu être choisi comme candidat par ce « grand old party » qu’est le parti républicain ?
J’avoue que moi-même j’ai cédé à la tentation de la moquerie, par exemple dans un post où je me foutais de la gueule du Donald comedy club en commentant une vidéo hallucinante où l’on voit le bouffon orange affirmer à tout bout de champ qu’il sait tout mieux que tout le monde et sur tous les sujets. À ce niveau d’histrionisme, on est au delà du trouble de la personnalité, on est carrément dans la maladie mentale.
J’en ai parlé dans cet article: « Le Donald comedy show : hilarant, mais effrayant… »
Mais on a très vite compris qu’en réalité ce type n’est pas seulement totalement taré, il est aussi et surtout dangereux.
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D’abord force est de constater que sur tous les plans, la politique de l’administration Trump est une régression dramatique.
* Sur l’environnement par exemple, l’administration Trump est obsédée par la volonté de démanteler l’ensemble de la législation fédérale sur la politique climatique (cf. par exemple cet article : « Avec l’administration Trump, nous entrons dans un âge d’or de l’ignorance » ), ou sur la protection des écosystèmes et des espèces vivantes (par exemple dans cet article : « L’administration Trump veut démanteler la législation américaine sur la protection des espèces menacées » ). J’aurais pu écrire de nombreux autres articles sur ce thème, mais les décisions délirantes tombent tellement vite (entre janvier et juillet, cette administration a annoncé 145 décisions présidentielles contre l’environnement!) que j’ai souvent renoncé. Jusqu’à il y a quelques jours, au lendemain de l’annonce d’une série de mesures démentielles pour relancer la production de charbon aux États-Unis (cf. « L’administration Trump relance à fond les manettes l’exploitation du charbon » )… Avec cette administration, la destruction de la biosphère ne s’opère pas dans l’inconscience, elle est carrément planifiée.
* Deuxième exemple de régression terrible enclenchée par l’administration Trump II, celle qui concerne le révisionnisme historique, la réécriture de l’histoire des États-Unis et l’effacement de l’extermination des amérindiens, de l’esclavage, du racisme et de l’homophobie sur lesquels ce pays s’est construit. Le trumpisme défend sans aucun complexe une vision suprémaciste qui est parfaitement écoeurante. J’en ai parlé dans cet article : « Le révisionnisme historique et le racisme au coeur du régime trumpiste » .
* Troisième exemple : très vite après son élection, Donald Trump a pris des décisions visant à dynamiter la législation américaine permettant de lutter contre la corruption. Même parmi mes amis, il y a encore des gens pour croire que ce type est un héros qui s’est donné pour mission de « nettoyer les écuries d’Augias » et de lutter contre la corruption de « l’État profond » (???). Pendant que ces ces gens-là continuent à fantasmer sur des complots imaginaires, ils ne voient pas ce qu’ils ont pourtant sous les yeux : Trump est l’incarnation même de la corruption. J’en ai parlé dans cet article (« L’Amérique de Trump, un Eldorado pour la corruption » ). Et j’ajoute que selon le titre d’un article paru hier matin, « En un an, la fortune de la famille Trump a presque doublé » . Pendant que les gogos l’applaudissent et le remercient de défendre les intérêts de son peuple, lui et ses potes s’en mettent plein les fouilles et se frottent les mains…
* Quatrième exemple : en matière de santé, Trump a nommé au ministère de la santé un conspirationniste antivax qui défend depuis longtemps des thèses totalement fantaisistes telles que l’idée selon laquelle l’autisme serait causé par les vaccins et par le Paracétamol 🤪. Lors de la pandémie de Covid-19, Robert Kennedy Jr. a aussi affirmé que le virus a été « conçu pour cibler les Caucasiens et les Noirs » . Autre dinguerie, le nouveau secrétaire à la Santé croit à la théorie farfelue des chemtrails, et il a sous-entendu qu’avant l’arrivée de Trump au pouvoir, l’État américain empoisonnait à dessein la population par ces épandages aériens totalement imaginaires (« On pense que c’est l’œuvre de l’agence DARPA » – celle-ci étant une agence gouvernementale chargée de l’innovation militaire). On voit déjà le résultat de ces délires : des maladies contagieuses comme la rougeole sont en train de flamber aux États-Unis, particulièrement dans les États républicains du sud.
* Même s’il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet, je n’évoque qu’en passant le caractère délirant de Trump sur les questions géopolitiques : le soutien frénétique au génocide mis en œuvre à Gaza par le gouvernement de Netanyahu, les prises de position pro-russes dans la guerre en Ukraine… Ce crétin pathétique réclame à corps et à cri le prix Nobel, alors qu’en réalité il est entrain de mettre le monde à feu et à sang.
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Mais au-delà de ces politiques incroyablement régressives et dangereuses, la dérive de l’administration Trump vers l’autoritarisme est désormais évidente, avec de très nombreuses illustrations. En voici quelques exemples, choisis parmi les plus spectaculaires et les plus effrayants.
1) Une administration composée exclusivement de fidèles, choisis sur le seul critère de la loyauté personnelle à Trump
Dès les premières heures de sa deuxième présidence, Donald Trump a nommé partout, jusque dans l’armée, jusque dans les services secrets, des gens notoirement incompétents et dont la seule qualité à ses yeux est la loyauté personnelle. Son ministre de la Défense, Pete Hegseth, est un animateur de Fox news. Le nouveau vice ministre de la Justice est l’un des avocats personnels de Trump. Le nouveau directeur du FBI, Kash Patel, est un fervent complotiste d’extrême droite de la mouvance QAnon, et son nouvel adjoint, Dan Bongino, a souvent pris pour cible le FBI lui-même, notamment après l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 (dans son émission il affirmé que « les bombes qui ont été trouvées près du Capitole y ont été mises exprès par des gens qui voulaient faire accuser les supporters de Trump« ).
Le 15 mars j’écrivais ceci, qui est toujours d’actualité: « En science politique, on sait que le fait de s’entourer de partisans choisis exclusivement pour leur loyauté, et même pour leur dévotion (je pense aux hallucinantes scènes de prières dans le bureau ovale, durant lesquelles tout le monde posait une main sur Trump comme s’il était un roi thaumaturge), c’est un signe que ces chefs essaient d’installer une « domination charismatique » (Max Weber), laquelle se soustrait au respect de toute loi et de tout principe issu de la tradition. Trump a récemment repris publiquement la fameuse formule de Napoléon « He who saves his country does not violate any law » , et il a aussi diffusé sur la page officielle de la Maison blanche une photo de lui-même avec une couronne et avec le slogan complètement mégalomaniaque « Long live the king!« «
Il ne s’agit pas là d’une simple mégalomanie un peu anecdotique, mais d’une tendance dangereuse sur le plan politique. Dans ses travaux sur ce qu’il a appelé le « parrhésiaste » (celui qui dit la vérité au prince), le philosophe Michel Foucault a bien montré que celui-ci ne peut exister qu’à deux conditions : que le pouvoir lui reconnaisse le droit de dire certaines vérités désagréables, et qu’il soit prêt à les entendre. Trump n’est absolument pas dans cet état d’esprit : il ne tolère dans son entourage QUE des gens qui le flattent, qui proclament qu’il a raison sur tout et que ses adversaires sont des incompétents, des idiots et des corrompus.
Tout ceci est totalement antinomique avec les principes de base de la démocratie, ce type de régime politique où la légitimé est de type « légal-rationnel » (Max Weber) dans lequel les dirigeants ne possèdent pas le pouvoir et ne sont pas libres de nommer absolument qui ils veulent dans « leur » administration, mais sont au service de la loi et et de l’État de droit, et sont donc soumis au contrôle de légalité de leurs actes, y compris des nominations dans l’administration.
2) Une personnalité sociopathe
C’est assez connu, la plupart des dirigeant·es politiques ont des personnalités narcissiques, aiment se mettre en représentation, jouissent du pouvoir qu’ils ou elles exercent sur les gens et sur le monde, ont un rapport à la réalité très problématique, etc. Dans la France de ces dernières décennies, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ne sont pas spécialement réputés pour leur empathie et pour leur capacité à recevoir les leçons que leur envoie le réel.
Mais il est connu que ces travers propres aux dirigeants politiques sont particulièrement spectaculaires chez celles et ceux (presque toujours ceux, « comme par hasard »…) qui sont à la tête de régimes autoritaires, et plus encore de régimes fascistes.

Et ce de point de vue, le profil psychologique de Donald Trump est assez affolant. Sa propre nièce, qui est psychologue, a écrit un livre intitulé Trop et jamais assez : comment ma famille a créé l’homme le plus dangereux du monde, qui permet de comprendre que cet homme agit manifestement à partir de troubles du comportement narcissique. Ce que lui a transmis sa famille toxique, essentiellement son père, c’est la conviction que s’il est vaincu, cela fait de lui une sous-merde (d’où pour lui, par exemple, l’impossibilité à admettre qu’il a perdu les élections de novembre 2020, alors que leur résultat ne souffre d’aucune contestation). Et c’est ce qui rend si dangereux ce genre de personnage : il est prêt à tout, absolument à tout, pour ne pas perdre, pour ne pas que sa défaite éclate au grand jour (y compris mentir effrontément, y compris se vanter de ce qu’il n’a pourtant pas été capable de faire – ou de ce que d’autres que lui ont fait – , y compris écraser la moindre manifestation de contradiction, y compris sacrifier des faibles pour donner des gages aux forts devant lesquels il se couche…) Cet homme est dangereux, psychiatriquement dangereux. Il ne rendra pas le pouvoir, il s’y accrochera de toutes ses forces, quitte à emporter le reste du monde avec lui dans l’abîme. Je n’ai aucun doute là dessus, aucun, d’autant plus qu’il est à la tête d’un pays dont la culture est tout aussi marquée par cette obsession de la réussite, du succès, quoi qu’il en coûte…
3) Les menaces à l’encontre des juges
Le 14 mars dernier, Donald Trump a prononcé un discours totalement paranoïaque et incroyablement agressif à l’égard de la Justice et des médias, dans les locaux même du ministère de la Justice (à la tête duquel il a nommé une pasionaria qui revendique elle-même qu’elle est là « pour le protéger » – si si, elle a bien dit ça, sur Fox News, au cours d’une interview qui était réalisée par… la propre fille de Trump!). Dans ce discours, il a qualifié les magistrats qui ont enquêté ou instruit contre lui de « racailles » , de « corrompus » ou de « dérangés » . Il a même réclamé qu’on les punisse : « Les gens qui nous ont fait ça devraient aller en prison. » Il s’est aussi qualifié lui-même de « principal responsable de l’application de la loi dans notre pays » , comme si ce n’était pas là le travail…des juges, tout simplement. J’en ai parlé dans cet article : « Donald Trump, un projet dictatorial désormais transparent » .
[NB. En accusant « les juges » d’avoir de la haine et d’avoir fomenté un complot à son égard, Nicolas Sarkozy et ses soutiens se situent tout à fait dans cette ligne trumpiste – honte à eux.]
4) Les menaces et les tentatives de mise au pas contre les médias
Depuis sa réélection, Donald Trump a attaqué de nombreuses fois les médias qu’il estime hostiles (simplement parce qu’ils jouent leur rôle critique), de façon violente et très menaçante, et il a manifesté ouvertement sa volonté de les mettre au pas.
Dans le discours qu’il a prononcé au ministère de la Justice le 14 mars, par exemple, il a affirmé que les médias « écrivent littéralement 97,6 % de mauvaises choses sur moi » (pourquoi 97,6???), et que « Ça doit s’arrêter. C’est sûrement illégal. (…) Cela influence les juges et fait changer la loi, ça ne peut pas être légal. Je ne crois pas que ce soit légal. » Passons sur le caractère affligeant de l’argumentation, qui vaudrait un zéro pointé à n’importe quel lycéen (« Ça ne peut pas être légal, je crois que c’est illégal, donc c’est illégal »). Quelle pitié c’est pour les États-Unis d’avoir un tel crétin à leur tête. Mais l’idée qu’il y a derrière est effrayante. Le type passe son temps à dénoncer le « wokisme » qui selon lui entrave la liberté d’expression des Américains, mais il juge illégal le discours des gens qui le critiquent !!!
Depuis lors, Trump est passé des menaces verbales aux actes pour intimider les médias américains et pour essayer de les empêcher de faire leur travail critique.
– En juillet par exemple, il a réclamé « au moins 10 milliards de dollars » au Wall Street Journal, qu’il accuse de l’avoir « diffamé » en publiant un article dans lequel est évoquée une lettre salace envoyé par le président à son ami Jeffrey Epstein, le fameux financier et délinquant sexuel accusé de pédocriminalité et d’exploitation sexuelle de mineurs, rien que ça (je mets l’image ci-contre, on y voit très bien le caractère libidineux et sexiste de ce gros porc qu’est Trump – désolé les porcs, c’est pas une comparaison sympa pour vous, je sais).
– Le 15 septembre, Trump a annoncé sur son réseau social qu’il poursuivait le New York Times pour diffamation et qu’il lui réclamait 15 milliards de dollars de dommages et intérêts, pour la publication d’un article au sujet de ce même dessin. « Le New York Times a été autorisé à mentir, calomnier et me diffamer librement pendant beaucoup trop longtemps, et cela s’arrête, MAINTENANT ! (…) Aujourd’hui, j’ai le grand honneur d’intenter une action en justice pour diffamation et calomnie de 15 milliards de dollars contre le New York Times« , qui est « l’un des pires et des plus dégénérés journaux de l’histoire de notre pays » (toujours le sens de la mesure, Donald). Dans son « argumentaire », on voit bien que cette démarche est justifiée par la blessure d’un ego pathologiquement bousouflé : le New York Times est « engagé depuis des décennies contre votre président préféré (MOI !), ma famille, mes affaires. »
5) Les menaces contre toutes celles et tous ceux qui osent s’opposer à lui
Au-delà de la Justice et des médias, Donald Trump passe son temps à dénoncer, en des termes d’une violence et d’une vulgarité indignes d’un dirigeant démocratique, toutes celles et tous ceux qui osent s’opposer à lui.
Certaines de ses sorties sont carrément grotesques, du niveau de la cour d’école ou de la télé-réalité. Par exemple celles contre Taylor Swift : « Regardez simplement la chanteuse Woke Taylor Swiftt. Depuis que j’ai alerté le monde sur ce qu’elle était en disant la vérité que je ne la supportais pas, elle a été huée et n’est plus sexy. » Ou celles contre Bruce Springsteen, qu’il a traité d' »odieux connard » et qu’il a clairement menacé en ces termes : « Ce pruneau desséché de rockeur (sa peau est tellement atrophiée) devrait la fermer jusqu’à son retour sur le territoire. Après, on verra comment ça se passera pour lui. »
On sait aussi que quand il ne joue pas au golf (un tiers de son temps!), Trump passe son temps à injurier sur son réseau social ses adversaires politiques, en particulier Joe Biden et les gouverneurs et les maires démocrates – cf. le surnom de « Newscum » (« racaille » ) dont il affuble de façon systématique le gouverneur de Californie Gavin Newson.
Mais d’autres attaques de Trump vont beaucoup plus loin et démontrent son incapacité profonde à accepter le principe même de la critique. Lorsqu’il était encore bestie avec Elon Musk, il a par exemple accusé les organisations qui lancent des appels au boycott de Tesla de « terroristes intérieurs« , et il les a menacées comme un vulgaire chef de gang: « Je vais les arrêter. Nous arrêterons quiconque le fera… (…) Nous savons déjà qui sont certains d’entre eux, nous allons les attraper et ils vivront un enfer » (« go through hell » ). Ceci est une accusation totalement débile : il n’est bien évidemment pas illégal pour les consommateurs de boycotter une marque ou une entreprise en Amérique, ni même d’appeler au boycott. Dans une décision rendue en 1982, la Cour suprême a affirmé que la protestation contre une entreprise privée est protégée par la Constitution, et en particulier par le premier amendement de celle-ci, qui fonde la liberté d’expression. Bref, Trump apprécie la liberté d’expression, oui, mais seulement quand elle l’arrange, seulement quand c’est lui qui déverse sa haine ou sa connerie pathologique – quand ce sont ses adversaires qui s’expriment de façon tout à fait pacifique et non violente, là il estime qu’il a le droit de leur promettre « un enfer » .
Tout récemment, lundi 22 septembre, Donald Trump a signé un décret classant officiellement le mouvement antifa comme une « organisation terroriste » ! C’est afficher de façon officielle une volonté de museler ses opposants politiques.
Dans son discours prononcé le 21 septembre en hommage à l’influenceur d’extrême-droite Charlie Kirk, Donald Trump a aussi prononcé des mots qui trahissent l’ampleur de sa détestation du débat démocratique : selon lui, l’influenceur « ne haïssait pas ses adversaires » , et « C’est là où je suis en désaccord avec Charlie. Je hais mes adversaires » . Voilà qui est aujourd’hui à la tête de la première puissance militaire du monde : un type qui n’est pas gêné d’affirmer qu’il « hait » non pas seulement ses ennemis, mais même ses « adversaires » !!!
6) La mansuétude à l’égard de la violence politique issue de son camp
Pour Trump et son administration, la violence est exclusivement l’oeuvre de ce qu’il appelle « l’extrême-gauche radicale« .
Pourtant tous les chiffres démontrent qu’aux États-Unis, la violence politique provient essentiellement de l’extrême-droite. Dans cet article intitulé « Le terrorisme à motivation politique aux États-Unis », on peut lire que « Depuis le 1er janvier 2020, 81 meurtres commis dans le cadre d’actes terroristes à motivation politique ont été recensés aux États-Unis par le Cato Institute, un organisme de recherche indépendant et non partisan spécialisé dans les politiques publiques. Comme le révèle le détail des données publié par l’organisation, les terroristes d’extrême droite sont responsables de plus de la moitié de ces assassinats, 54 % soit 44 au total, ceux d’extrême gauche de 22 % (18), les islamistes de 21 % (17), tandis que les deux meurtres restants (2 %) sont attribués à un terroriste affilié au nationalisme étranger et à un autre aux motivations inconnues à ce jour. (…) Vingt-quatre personnes ont été assassinées jusqu’à présent en 2025 (…). Avec plus de vingt meurtres de ce type répertoriés cette année, l’année 2025 est déjà l’année la plus sanglante dans le pays depuis 2019, durant laquelle 37 actes avait été recensés. »
NB. En 2019, Trump était président, et en 2025 il l’est à nouveau : ce type prétend être digne du prix Nobel de la paix, alors qu’il sème la guerre dans son propre pays…
Mais comme on sait, Trump et son administration n’ont que faire de la réalité, et sur ce sujet, le déni de la réalité l’amène à être en permanence dans le « Deux poids, deux mesures » .
Lorsque Charlie Kirk a été assassiné, il a été littéralement béatifié par l’ensemble du mouvement MAGA, en dépit du fait que c’était un influenceur ouvertement raciste, suprémaciste, sexiste et homophobe. Mais lorsqu’au petit matin du samedi 15 juin, une élue démocrate du Minnesota, Melissa Hortman, a été assassinée avec son époux, on n’a pas entendu le moindre mot de la part de Donald Trump. L’auteur de ces crimes est Vance Boelter, un militant anti-avortement qui porte le chapeau de cow-boy…
Au-delà de ces faits divers, l’acte le plus grave commis par Donald Trump concernant la violence politique, c’est évidemment le fait d’avoir gracié 1.500 émeutiers du Capitole le 6 janvier 2021. Il a toujours minimisé la gravité de cet assaut et décrit cette journée comme une « journée d’amour » et de « débordement d’affection » (!) à son égard. Or il est clair que ce qui s’est passé ce jour-là, c’est ni plus ni moins qu’une tentative de coup d’État fomentée par son entourage.
7) La mise au pas de l’armée et la volonté de lutter contre « l’ennemi intérieur »
Le dernier épisode en date, celui qui m’a décidé à prendre un moment pour écrire cette synthèse, est encore bien plus grave que tout ce qui précède : c’est le discours hallucinant prononcé par Donald Trump devant 800 généraux et amiraux réunis à Quantico.
En guise de mise en bouche, Pete Hegseth, le ministre de la Guerre (c’est comme ça qu’on dit maintenant), a prononcé un discours totalement désordonné et humiliant pour les militaires de haut rang, surtout quand on sait que ce type est un animateur de Fox News qui traîne une réputation d’alcoolique notoire et des accusations d’agression sexuelle. En une heure, Hegseth n’a pas évoqué une seule seconde les nouveaux défis géopolitiques auxquels les armées états-uniennes sont confrontées (pas un mot sur la place de l’intelligence artificielle dans la formation des militaires et sur les théâtres de conflits, pas un mot sur les drones et les robots de combat, pas un mot sur la militarisation de l’espace, pas un mot évidemment sur le fait que le changement climatique est un multiplicateur de menaces aux quatre coins du globe). En revanche, Hegseth a été obsessionnel sur le retour de « l’ethos guerrier » grâce à la fin des « règles d’engagement stupides » , la promotion des « valeurs masculines » et le blanc-seing à la violence totalement débridée. Qu’on en juge avec cette formule hallucinante : « Nous donnons carte blanche à nos combattants pour intimider, démoraliser, traquer et tuer les ennemis de notre pays. Fini les règles d’engagement politiquement correctes et autoritaires, place au bon sens, à une létalité maximale et à l’autorité des combattants » . Il faut dire que dans son livre paru en 2024, The War on Warriors (« La guerre contre les guerriers » ), Hegseth écrit en toutes lettres que l’armée ne devrait pas « combattre en vertu de règles rédigées il y a quatre-vingts ans par des hommes respectables dans des pièces en acajou » … ce qui est une manière tout à fait explicite de mettre en question la convention de Genève sur le droit de la guerre !
Quant au discours prononcé par Trump juste après, il fait carrément froid dans le dos. Selon le président des États-Unis, « C’est seulement au cours des décennies récentes que les hommes politiques sont parvenus à l’idée que notre boulot consistait à policer les confins du Kenya et de la Somalie, tandis que l’Amérique se trouve envahie » . Il faut donc recentrer l’armée sur une mission prioritaire, la « guerre de l’intérieur » contre « l’ennemi intérieur » , qui est difficile à traquer parce qu’il ne porte pas d’uniforme, mais qu’il faut éradiquer. Par exemple il faut que l’armée américaine soit déployée contre les municipalités démocrates (de Los Angeles à Chicago, en passant par Washington, Portland ou New York). Ces villes « gérées par les démocrates de la gauche radicale » , il faut selon lui « les remettre en ordre une par une » , et il a même suggéré d’ « utiliser certaines de ces villes dangereuses comme terrain d’entraînement pour nos militaires« (!!). Toujours dans ce discours, Donald Trump a encouragé la police et l’armée à utiliser la violence contre les manifestants : « Je dis : s’ils crachent, nous les frappons ; s’ils lancent des pierres sur les véhicules, vous sortez de cette voiture et vous pouvez faire tout ce que vous voulez. »
Quand dans un pays le titulaire du pouvoir exécutif et chef des armées se sent autorisé à donner carte blanche à l’armée et à la police pour « faire ce qu’elle veut » contre ses et opposants, est-on encore en démocratie ?
[EDIT du 7 octobre. Hier Donald Trump a menacé d’instaurer un état d’urgence aux Etats-Unis et d’envoyer l’armée dans des villes américaines gérées per le parti démocrate, par exemple New York et Baltimore, après avoir déjà déployé des troupes à Chicago et à Portland, contre l’avis des élus locaux, et bien que cela ait été jugé illégal à deux reprises par des juges fédéraux de l’Oregon (selon la juge Karin J. Immergut, « [il n’existe] ni insurrection ni menace pour la sécurité nationale » , et le procureur général de l’Oregon Dan Rayfield a estimé que « Le président (Trump) ne peut pas continuer à jouer au chat et à la souris avec les unités de la Garde nationale des différents États pour contourner les décisions de justice et l’État de droit » ). Cette décision n’a strictement aucune justification: Trump et son administration décrivent Chicago comme « la capitale mondiale du meurtre » et une « zone de guerre » , et affirment que « Portland est en train de brûler. Il y a des insurgés partout » , ce qui dans les deux cas est totalement grotesque. Stephen Miller, conseiller proche de Donald Trump, a accusé la Justice de rébellion (« Quand un juge s’octroie des pouvoirs que la Constitution a délégués au président, c’est une forme d’insurrection légale » ), ce qui est une nouvelle fois une manière pour le pouvoir exécutif de menacer la Justice et de justifier un abus de pouvoir. Tout cela fait partie d’une stratégie plus globale qui consiste à provoquer et à mettre le feu aux poudres pour justifier des mesures autoritaires: comme l’a très bien dit le gouverneur démocrate de l’Illinois, J. B. Pritzker, l’administration Trump « [suit] un manuel : provoquer le chaos, créer la peur et la confusion, faire croire que des manifestants pacifiques sont des émeutiers en leur tirant dessus à coups de gaz lacrymogènes. » Le but est de « créer un prétexte pour invoquer l’Insurrection Act afin de pouvoir envoyer l’armée dans notre ville » .
Une fois encore, l’administration Trump est prête à franchir une ligne rouge institutionnelle pour imposer son autorité. J’ai détaillé ceci dans cet article ultérieur: « Donald Trump contourne l’Etat de droit pour envoyer l’armée mater ses opposants« ]
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Avant de répondre à la question de savoir si le régime trumpiste est un régime autoritaire, quelques éléments de définition.
* Le politiste espagnol Juan Linz est l’un des meilleurs spécialistes des régimes autoritaires (un autre nom pour « dictatures » ) : il a notamment travaillé sur le régime franquiste en Espagne. Il a proposé la définition suivante : les régimes autoritaires sont « des systèmes à pluralisme limité (…), sans idéologie directrice élaborée (…), ni volonté de mobilisation intensive (…), sauf à certains moments de leur développement. » Dans cette définition, ce qui caractérise l’autoritarisme, c’est avant tout la limitation du pluralisme. Celle-ci comporte deux facettes :
– Les gouvernants ne se soumettent pas à une compétition ouverte lors d’élections réellement pluralistes.
– Les gouvernants ne tolèrent pas l’expression ouverte des désaccords politiques (mais à la différence du totalitarisme, il n’y a pas ici l’exigence que les citoyens partagent et expriment publiquement leur adhésion à l’idéologie au pouvoir).
* Autre définition, émanant cette fois du politologue américain Fareed Zakaria. En 1997, celui-ci a défini la démocratie « illibérale » comme « une démocratie sans libéralisme constitutionnel » , avec un régime politique très centralisé, une prédominante forte du pouvoir exécutif, l’érosion des libertés publiques, des entorses fortes à l’indépendance de la justice, une faible égalité entre les citoyens (notamment) et dans certains cas, de virulents conflits sociaux ou ethniques).
Ça ne vous rappelle rien ?
Quand on étudie les régimes autoritaires et les démocraties illibérales, on constate qu’il y a une grande diversité dans les formes et les degrés dans la limitation du pluralisme.
(a) Une diversité dans le degré de limitation du pluralisme
Dans certains régimes autoritaires, on observe une limitation drastique du pluralisme, avec une interdiction totale de toute forme de participation politique, des partis politiques, des syndicats, des associations professionnelles… Dans ce cas il n’y a pas du tout d’élections, et il règne un climat de violence étatique pour intimider les opposants. Exemples : le régime de la « Grèce des colonels » entre 1967 et 1974.
Dans d’autres régimes autoritaires, la limitation du pluralisme est plus atténuée. La vie politique est étroitement encadrée et surveillée, l’expression populaire est encadrée strictement, mais il subsiste des formes qui sont censées attester l’existence de la démocratie. Il peut exister un multipartisme partiel (le régime laisse vivre quelques formations politiques plus ou moins grandes à condition qu’elles ne le mettent pas trop en danger). Assez souvent des élections ont lieu, mais elles ne concernent pas la désignation des dirigeants effectifs (par exemple au Maroc, qui est une monarchie héréditaire : le vote permet de désigner le gouvernement, mais pas le souverain) ; ou bien les élections servent à désigner les gouvernants, mais elles sont truquées, avec des purges dans les listes électorales, des manœuvres d’intimidation pour dissuader ou empêcher les opposants de voter, ou des bidouillages lors du comptage des voix.
Un gouvernement peut aussi, et c’est ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis, compter sur la diffusion de mensonges et de fake news, que Donald Trump et le mouvement MAGA produisent et déversent en quantité industrielle…
En tous cas, certains régimes autoritaires s’accommodent assez bien d’une forme d’expression de la contestation : on lâche juste assez la bride pour donner l’impression que le régime est démocratique, mais de façon très encadrée pour que cette contestation ne soit pas dangereuse pour le régime, et à la moindre situation instable on reprend la main et on serre la vis. On peut alors parler d’une façade démocratique.
(b) Une diversité dans les formes de la limitation du pluralisme
Les régimes autoritaires ne cherchent pas seulement à limiter ou à interdire la compétition électorale et la contestation politique : ils cherchent aussi à contrôler l’appareil d’État. Cela peut se faire de différentes façons : par l’institutionnalisation d’un parti unique (par exemple le FLN en Algérie dans les premières années après l’indépendance), par un syndicalisme d’État (Portugal du Salazar corporatisme)… Dans les pays où les sociétés sont moins différenciées et moins homogènes, le contrôle de l’appareil d’État peut se faire de façon plus informelle, via des allégeances personnelles ou familiales, des pratiques clientélistes (des offres de services et d’avantages pour acheter en quelque sorte le soutien), des solidarités ethniques ou régionales… ou la nomination à des postes clés de gens plus ou moins incompétents mais qui ont pour seule caractéristiques d’être des partisans fanatiques du détenteur du pouvoir.
>> Quand on met face à face ces définitions avec les éléments factuels que j’ai listés ci-dessus, quand on se souvient que durant sa campagne électorale de 2024 Donald Trump textuellement affirmé face à un parterre de chrétiens fondamentalistes « Dans quatre ans, vous n’aurez plus besoin de voter, nous aurons réglé la situation de telle manière que vous n’aurez plus besoin de voter » , alors je crois qu’à la question de savoir si le régime trumpiste est ou pas un régime autoritaire, la réponse s’impose d’elle-même.
Le 15 mars, j’ai écrit sur ce site : « Un pouvoir exécutif qui, dans les locaux mêmes du ministère de la Justice, affirme sa volonté de mettre en prison des juges qui ont simplement fait leur travail (alors que lui-même a laissé faire une tentative de coup d’État dont il a gracié les instigateurs), et qui considère la critique de son action et de sa personne comme illégale, vous appelez ça comment? »
Six mois plus tard, l’administration Trump est allée encore plus loin dans l’agression à l’égard de ses adversaires politiques et dans la remise en cause des règles élémentaires de l’État de droit, si bien que le diagnostic est confirmé : désormais elle coche à peu près toutes les cases d’un régime autoritaire (d’une DICTATURE, oui je fais comme Trump j’utilise les majuscules). La seule raison pour laquelle on ne peut pas déjà dire que les États-Unis sont un pays à régime autoritaire, c’est qu’il y a encore des opposants qui ont le courage de faire fonctionner les lambeaux d’institutions démocratiques qui subsistent (des juges, certains médias, des élus locaux démocrates).
Plus les semaines passent et plus Trump est en roue libre, plus il a un total sentiment de toute-puissance et d’impunité (il n’y a qu’à voir la façon incontinente dont il tweete pour savoir qu’il est infoutu de se contrôler), et plus il s’installe davantage dans les habits de dictateur. Donald Trump refuse par définition la notion même de contre-pouvoir et d’alternance, donc il ne rendra pas le pouvoir, il fera tout pour museler les oppositions par la désinformation, par la terreur, par l’argent et même par la répression policière et militaire. Aujourd’hui je pense que ce type et son administration ont tellement purgé et verrouillé les leviers du pouvoir (l’administration, la Justice, l’armée, le FBI et les médias) qu’il sera très difficile de les renverser démocratiquement. Les prochaines campagnes électorales seront pourries par les fake news et les théories du complot, elles se dérouleront dans un contexte pré-insurrectionnel, et de toutes façons le camp MAGA ne reconnaîtra jamais aucune défaite électorale, il hurlera forcément à la fraude et à l’élection volée, sans aucun commencement de preuve. Au final, si le camp trumpiste l’emporte aux mid-terms de 2026, il risque fort de ne plus y avoir aux États-Unis qu’une démocratie de façade ou un simulacre de démocratie, comme en Russie. Les 8 premiers mois de Trump II ont une allure de prequel de « The hanmaid’s tale ».
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La dernière question que je voulais aborder dans cette analyse, c’est celle de la comparaison avec ce qui se passe en France.
Parmi les partisans de l’extrême-droite et parmi les complotistes de choc qui hurlent stupidement au totalitarisme depuis la crise COVID (mais aussi, je m’en désole, dans les milieux alter & autonomistes), beaucoup de personnes s’agacent que l’on critique Donald Trump et rétorquent que « C’est pareil en France » ou que « Macron ne vaut pas mieux » , voire que « Macron c’est pire parce qu’au moins Trump défend son peuple » (???). Je me suis même fait traiter de « malhonnête » par un de mes amis (qui se reconnaîtra s’il lit ce texte), au motif que je critiquais Trump et que (selon lui) j’épargnais Macron.
Que les choses soient claires : je sais pertinemment à quel point Macron et sa clique représentent une nuisance détestable sur à peu près tous les plans (explosion des inégalités sociales, abandon des services publics, dézinguage en règle des politiques climatiques et environnementales, soumissions aux lobbies de l’agro-industrie, criminalisation des mouvements sociaux, négation de ses défaites électorales, alliance de facto avec la droite nationaliste et complaisance à l’égard de l’extrême-droite, etc.). Qu’on ne vienne pas m’accuser de complaisance à l’égard de ce type et de sa politique, qui me dégoûtent.
Cependant, il y a plus qu’une nuance entre une démocratie représentative, fût-elle pleine de défauts scandaleux, et un régime dans lequel la notion même de contre-pouvoir et d’État de droit n’ont tout simplement plus droit de cité. Macron et ses gouvernements ont mené une politique absolument révoltante sur à peu près tous les sujets, mais que je sache, jusqu’à preuve du contraire…
– ils n’ont pas appelé à mettre en prison les magistrats ou les juges qui enquêtent sur eux (Nicolas Sarkozy a pu toucher du doigt le fait qu’en France l’indépendance de la Justice a quand même encore un sens, et Rachida Dati va bientôt avoir l’occasion de s’en rendre compte à son tour).
– ils n’ont pas menacé les médias qui le critiquent de poursuites pénales en leur réclamant plusieurs milliards de d’euros de dommages et intérêts.
ils n’ont pas supprimé le financement, ni même menacé de supprimer le financement des universités qui abritent des profs et des enseignements « progressistes » (certes l’état financier de l’Université est déplorable, mais on est quand même encore assez loin de la chasse au wokistes).
– ils n’ont pas minimisé le salut nazi effectué publiquement et en mondovision par l’un de leurs principaux soutiens et financiers.
– ils n’ont pas pris personnellement la direction de tous les musées nationaux pour imposer une réécriture blanche et chrétienne de l’histoire de France.
– ils n’ont pas tenu des propos et pris des décisions clairement et ouvertement sexistes, masculinistes et homophobes.
– ils n’ont pas dénoncé à tour de bras les wokes qui auraient prétendument envahi l’administration et les médias (ça c’est l’obsession de la Bollosphère et du RN).
– ils ne passent pas leur temps à mentir de façon hallucinante sur tout les sujets (il y a quand même une grande différence entre s’arranger avec la vérité et proférer des mensonges pur des raisons tactiques, et dynamiter de façon systématique la réalité des faits et tenir des propos ouvertement complotistes).
– ils n’accusent pas de façon obsessionnelle et indifférenciées les immigrés d’être la cause de TOUS les maux de la France (oui je sais Retailleau, mais il y a quand même une nuance entre faire entrer un type au gouvernement pour s’assurer le soutien d’un parti afin de rester au pouvoir, et théoriser de façon totalement décomplexée un discours raciste et suprémaciste en affirmant que le pays est « envahi » ou en prétendant que les immigrés « mangent des chiens » ).
– ils n’ont pas affirmé que le changement climatique est une « arnaque » (ce qui est quand même tout autre chose que revenir sur ses engagements pour des raisons bassement électoralistes).
– ils n’ont pas annoncé publiquement que pour eux les antifas sont des terroristes, que l’armée doit avant tout lutter contre « l’ennemi intérieur » ou qu’elle va maintenant considérer les villes tenues par la gauche de « terrain d’entraînement ».
– etc. etc.
Sur tout les sujets que je viens de mentionner, le RN et ses alliés ciottistes et de l’aile dure de LR sont en embuscade et se tiennent prêts à faire à peu près la même chose que Trump, de façon tout aussi décomplexée, avec la même haine et la même volonté d’en découdre contre les étrangers, contre les minorités, contre le monde culturel et scientifique, contre le savoir, contre « les élites mondialistes », contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à un « woke » ou à un écolo. Lorsque Le Pen, Bardella, Odoul, Ciotti, Retailleau, Darmanin ou Wauquiez, ces répliques de Trump qui piaffent à l’entrée du pouvoir, auront les mains libres en France, alors on aura l’occasion de bien se rendre compte de la différence entre Macron et Trump, et entre un régime démocratique (même profondément imparfait) et un régime autoritaire ou une dictature.
Même si de nombreux travaux de science politique observent une hybridation de plus en plus grande entre ces deux types de régime, il y a quand même une différence non pas de degré, mais de nature, entre le fait de contrôler l’opposition, d’entraver son expression et de la réprimer de façon excessive, et le fait de considérer a priori, et même de théoriser, que l’opposition ne doit pas exister, que tous les opposants sont des traîtres et des ennemis du peuple et doivent donc être anéantis. Dans le premier cas, on est encore dans le cadre d’une démocratie, certes d’une démocratie sécuritaire et/ou illibérale et donc extrêmement imparfaite, mais d’une démocratie quand même, alors que d’ans le second cas on est clairement dans un régime autoritaire.
Donc je maintiens ce que j’ai écrit plusieurs fois et qui m’a valu des reproches de certains amis : prétendre que Macron et son gouvernement ne valent pas mieux que Trump, c’est faux et c’est irresponsable. À force de gommer les différences entre ces deux types de gouvernements, de politiques et de projets politiques, on sème la confusion, on empêche de considérer que l’arrivée d’un gouvernement de type trumpiste en France serait un cauchemar et une catastrophe absolue, et donc on facilite l’installation en France d’un gouvernement de type trumpiste.