Ce soir, encore une pépite pop méconnue, dont je ne me lasse pas depuis que je l’ai découverte.
The Sleepy Jackson est un groupe de pop-rock né à Perth, en Australie-Occidentale, essentiellement porté par le guitariste et chanteur Luke Steele, qui est un peu plus connu pour être l’un des deux membres du duo Empire of the Sun – enfin là aussi ça reste assez confidentiel quand même.
Luke Steele semble être un type particulièrement tourmenté : il est réputé pour être un perfectionniste maladif, non seulement avec lui-même (son site Internet personnel est on ne peut plus soigné) mais avec son entourage, ce qui l’a amené à exclure sans ménagement plusieurs membres du groupe ou musiciens qui l’accompagnaient sur ses tournées. Il paraît même que ces dernières années il a décidé de remettre son existence entre les mains du Tout-puissant. Bref, c’est le genre d’illuminé que je n’aurais pas spécialement envie de fréquenter (d’autant plus qu’il est aussi connu pour sa consommation immodérée de drogues diverses).
Côté musique en revanche, le talent est au rendez-vous, et le plaisir pour nous qui l’écoutons.
Sorti en 2001, le premier des deux albums de The Sleepy Jackson est intitulé « Lovers ». Dans l’une des critiques que j’ai parcourues pour préparer ce texte, on peut lire cette déclaration d’amour enfiévrée : « Lovers est de ces rares disques qui vous donnent envie de tout laisser tomber pour aller embrasser le premier passant croisé dans la rue : depuis quand cela ne vous était-il pas arrivé ? »
De fait, ce disque est un bric-à-brac musical rempli de chansons stimulantes, et même carrément enthousiasmantes, qui oscillent entre la pop radieuse de George Harrison, la country, la pop psychédélique de Mercury rev, les ballades déchirantes de Beck (« Acid in my heart »), l’introspection clinique de Radiohead (« Fill me with apples », un bref piano-voix magnifique et décharné qui me semble être une référence très explicite à l’interlude « Fitter happier » sur « Ok computer »), la powerpop electro (« Tell the girls that I’m not hangin’ out »)… Les mélodies sont entraînantes, les orchestrations sont généreuses, et tout cela est mis au service de l’expression de sentiments intenses, avec parfois des déclarations d’amour enflammées, parfois une joie et un émerveillement enfantins, parfois au contraire la plongée dans la désolation (« It’s true I never had no fun with you, / now there’s acid in my heart » ).
Aucun morceau ne ressemble à un autre, mais le fil d’Ariane qui permet à l’album de conserver une homogénéité, c’est la personnalité de Luke Steele, exubérante et inventive : on dirait un gosse qui fait tout comme ça lui chante (un commentateur a d’ailleurs comparé la tracking-list au contenu d’un coffre à jouets dans lequel un enfant pioche au fur et à mesure, guidé par ses seules impulsions, et cette comparaison me paraît très judicieuse).
Quatrième titre de cet album, « Rain falls for wind » fait partie de ses chansons les plus pop, au point que ça aurait pu être un hit mondial. La rythmique pêchue, les guitares et les petits gimmicks electro, les mélodies entêtantes, provoquent des petites poussées d’adrénaline. La voix de Luke Steele, grave et légèrement nasillarde, est quasiment recouverte dans les refrains par des choeurs bref et aériens, qui finissent par prendre le dessus pour transformer la chanson en hymne bravache.
Je ne sais pas trop de quoi ça parle, par contre. D’amour, sans doute (« I’ve been drinking, / and I’ve been thinking of you » ; « You’re only, ever on my mind » ). Peut-être pas. Mais j’avoue que je m’en fous un peu, car avec un morceau d’une pareille musicalité, j’ai juste envie de me laisser emporter.
« I’ve been drinking and I been thinking of you
Now I know I know the snow will let me know »

