Après avoir grandi dans un milieu social de petits bourgeois intellos (une mère prof d’anglais et un père musicien), Camille a fait des études supérieures dans des institutions prestigieuses (hypokhâgne au lycée Henri-IV, IEP de Paris).
Cela explique peut-être une écriture complexe, inventive, ambitieuse, risquée, qui traverse tout l’album « Le fil », paru en 2005. La réception critique de ce disque a été très positive, notamment grâce à un single intitulé « Ta douleur ». Le public aussi a beaucoup apprécié, puisque « Le fil » s’est vendu à 500.000 exemplaires dès la première année. Dans la foulée, Camille a reçu deux Victoires de la musique. Ancienne choriste de Jean-Louis Murat (clin d’oeil à toi Jean-Pierre 😉), elle a aussi construit son succès sur des prestations scéniques tonitruantes et spectaculaires durant lesquelles elle chante, elle scatte, elle multiplie les prouesses vocales, elle danse, elle se tape sur le torse…
Pour ma part, j’avoue que je ne suis pas totalement emballé par ce genre de musique, que je trouve un soupçon trop cérébrale.
Mais sur ce titre, « Pâle septembre », le goût de Camille pour l’exploration et l’expérimentation fait merveille. Elle lâche la bride à sa voix et enregistre avec elle plusieurs pistes pour créer des choeurs, des vocalises et des effets d’écho (par exemple les « ah hi ahhhh » qui accompagnent, à partir de 2’37, la montée en puissance de l’orchestre).
De façon surprenante, « Pâle septembre » est une chanson qui mélange une réflexion sur la sidération éprouvée le jour des attentats du 11 septembre 2001 (« Mais qui est cet homme qui tombe de la tour? » ), et la description d’une histoire d’amour.
Celle-ci est racontée à ses différents stades. Au début, Camille lâche quelques mots qui montrent sa surprise de voir un homme faire irruption dans sa vie (« Mais qui est cet homme qui tombe des cieux? Mais qui est cet homme qui tombe amoureux? » ). Ensuite elle s’inquiète des conséquences que cette arrivée soudaine et inattendue aura sur les battements de son coeur, et des douleurs qu’elle ne manquera pas d’éprouver lorsque cette brève étincelle sera éteinte. Et enfin c’est la tristesse, déjà, les affres, la douleur (« Mais quel mal me prit de m’éprendre de lui? » ; « Sais-tu que les statues de sel / ont cessé de t’attendre? » ; « Entends-tu le glas que je sonne? » ).
À 1’15, Camille énonce quelques constats tout simples et poignants sous la forme d’une confession douloureuse: « Je t’aime toujours… Je t’aime toujours… Je t’aime toujours, d’amour… Je sème l’amour… » C’est alors que la chanson devient franchement magnifique, avec une montée en puissance de la musique et un entrelacement élégant des différentes lignes de voix (on apprécie bien plus en écoutant ce passage au casque, pour profiter des effets de stéréo).
Camille a vu ses tours intérieurs s’effondrer, et elle ne peut qu’assister à ce spectacle, impuissante, dévastée, avec juste la force qu’il faut pour sublimer ses émotions et tisser, à partir d’elles, cette magnifique chanson.
« Pâle Septembre,
comme il est loin,
le temps du ciel sans cendres »