Ce soir je me suis vu envoyer que je suis un « abruti », un « pauvre crétin », un « connard », un « pauv’ mec », une « grosse tête bien creuse »…
En tous cas plusieurs de mes « amis » FB l’ont écrit sans ménagement.
Parce que j’ai diffusé un post qui prend avec sérieux le risque que l’on perde le contrôle de l’épidémie de COVID (sans pour autant cautionner en rien la politique de santé désastreuse de ces dernières décennies, ni la gestion de la crise qui a été pour le moins foireuse à bien des moments).
Parce que cela signifie que je me soumets à la propagande.
Que je suis un mouton, un COVIDiot, un idiot utile du capitalisme.
Que (horreur!) je tiens le même discours que l’Etat et ses valets. (en fait ce n’est même pas vrai sur ce sujet-là, et sur le reste j’en parle pas… Mais passons).
Bon. C’est ainsi.
Cette histoire est l’occasion de remercier d’autres amis FB pour mes messages chaleureux reçus
Et puis c’est aussi l’occasion de diffuser quelques notes prises dans une passionnante émission sur l’esprit critique, avec le sociologue Gérald Bronner.
« Le problème, c’est qu’il ne suffit pas de douter de tout pour faire preuve d’esprit critique. On peut critiquer une institution, ça ne veut pas forcément dire qu’on fait preuve d’esprit critique ».
« On a le droit au doute, mais comme tout droit, il s’accompagne de devoirs, et le devoir du doute, c’est de douter avec méthode. »
La période récente se caractérise par « des épidémies de crédulité ». Pourquoi ? Parce qu’il est extrêmement difficile de critiquer une théorie du complot. Elle ne se situe pas du tout dans le cadre de la pensée et du doute méthodique. On peut administrer toutes les preuves qu’on veut pour prouver qu’elle est fausse, ça ne sert à rien, car « la plupart du temps, les conspirationnistes n’ont pas de théorie générale: ce qui les intéresse, c’est de contester la version officielle. Et pour cela ils vont relever les anomalies » qui leur permettent, en tous cas ils le croient, de contester cette version officielle.
Le problème c’est que « des anomalies, on en trouve tout le temps! Le réel est tellement complexe que si on cherche, on va forcément trouver des choses qui ne collent pas » avec la théorie à laquelle on croit. Donc le fait qu’on trouve des anomalies ne prouve rien en soi.
[par exemple avec la masse quasi infinie de ce qui se publie sur le net, on trouvera toujours en fouinant dans le passé au moins un texte qui semble annoncer ce qui se passe aujourd’hui, et on n’a pas beaucoup à se forcer pour dire « ça a été annoncé » « Donc c’est la preuve qu’il y a un plan et que c’est une machination pour… »]
Autre problème : comme ce travail est fait par beaucoup de monde qui se reprend mutuellement, quand on y est confronté, au début on peut se dire que dans toutes ces affirmations qui contestent la version officielle, « tout ne peut pas être faux. Chaque argument est faible, mais l’ensemble a une consistance. Or ça, ça n’est pas une façon d’administrer la preuve qu’on admettrait dans le monde scientifique ».
Quand on croit découvrir une anomalie qui semble invalider une théorie communément admise (par exemple la « propagande sur le COVID pour importer une dictature / sauver le capitalisme »), « il y a une forme de satisfaction » qui émerge dans le cerveau, liée au fait qu’on croit avoir « dévoilé » quelque chose que les autres ne comprennent pas. Mais c’est « une illusion de l’esprit »!
« L’esprit critique commence avant tout par soi-même. L’erreur des conspirationnistes, c’est qu’ils adressent toute la puissance de leur esprit critique au discours des autres, des institutions, etc. » Ils sont tout occupés à « chercher des incohérences dan le discours des institutions, des incohérences qu’ils ne manquent pas de trouver. Mais le vrai esprit critique, c’est une vigilance épistémique qui s’adresse avant tout à nous-même ».
« L’impression de savoir est bien plus dangereuse pour la connaissance que l’ignorance ».
« Le faux va plus vite que le vrai » (Tocqueville).