Portishead – « Glory box »

Sorti en 1994, le premier album du groupe anglais Portishead est l’un des sommets du trip-hop, cette hybridation entre une rythmique hip-hop et des influences de jazz, de blues, de soul, de RnB et de musique électronique (beaucoup de samples, de sons retravaillés, de mélanges de pistes différentes)… Cela donne des titres à la fois lents et dansants, planants, souvent mélancoliques, presque toujours envoûtants.

C’est à Bristol en Angleterre, au début de la décennie 90, que le trip-hop est né, avec Tricky, Massive Attack (« Blue lines » ) , bientôt suivis par Archive (« Londinium » ) , Morcheeba, DJ Shadow (« Endtroducing » )…

En 1994, le succès planétaire de l’album « Dummy » a un peu des allures de hold-up: ces prédécesseurs ont ouvert la voie, et Portishead vient rafler la mise. C’est un peu l’histoire de l’ailier virevoltant et gominé qui va aplatir en coin, en pleine lumière et sous les vivats de la foule en délire, un essai préparé dans l’ombre et la gadoue par le laborieux paquet d’avants.

Si Portishead a largement contribué à populariser le trip-hop, c’est en grande partie grâce à ce morceau. Ce mouvement musical a généré peu de tubes, mais « Glory box » est l’une des rares exceptions qui confirment la règle.

La musique, la voix, le chant, et le texte, tout est poignant dans cette chanson.

La batterie, claire et sèche, impose un beat simple et lent. Le synthé propose un sample plaintif, assourdi, étouffé, comme si l’enregistrement avait eu lieu sous l’eau. De ci de là, notamment à chaque refrain, surgit une guitare électrique torturée.

Quant à la voix de Beth Gibbons, elle est déformée par l’électronique, distante, un peu mécanique, métallique, pas loin d’être nasillarde. Dans les refrains, elle se transforme en un cri désespéré et rageur. Beth semble alors subitement réussir à se défaire du carcan et à hurler ce qu’elle a sur le coeur: je suis épuisée des jeux dans lesquels tu m’emprisonnes, je n’en peux plus de n’être pour toi qu’une tentatrice ou une femme fatale, je veux que tu me donnes des raisons de t’aimer et d’être pleinement femme avec toi, de m’exprimer, de m’épanouir et de m’abandonner – « Give me a reason to love you! »

C’est le chant d’une soupirante à tous les sens du terme: fragile, timide, amoureuse, vibrante, intensément désirante. Une femme qui s’offre, qui se livre, et qui en même temps s’affirme, demande, exige avec courage le respect et l’amour qu’elle mérite. Une lionne blessée – blessée, mais lionne encore, avec toutes ses griffes.

La fin de la chanson, à partir de 2’56, condense tout cela. Beth Gibbons donne alors l’impression d’être brutalement réveillée par un cauchemar, avec des sons stridents et désordonnés, des images troubles qui tournoient, une voix rageuse et, dans le clip, un visage déformé par la peur (de l’abandon ?) et par la colère.

« It’s time to move on » . Le fade-out rapide qui suit, avec un couplet interrompu en plein milieu par le silence, laisse dans l’incertitude quant à ce que cette femme va choisir de faire à l’issue de ce cauchemar: essayer encore ? ou laisser tomber et aller chercher ailleurs, dans d’autres bras, ce dont elle a besoin ? La chanson finit de façon aussi mystérieuse et troublante qu’elle a commencé, et c’est à chacun d’y projeter ce qu’il veut.

« So don’t you stop being a man

Just take a little look

From our side when you can

Sow a little tenderness

No matter if you cry

Give me a reason to love you

Give me a reason to be a woman

I just want to be a woman »

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