Richard Hawley- « Don’t stare at the sun »

Ce soir un titre de circonstance, alors que le soleil brûlant va peut-être nous laisser, enfin, un peu de répit pendant quelques jours. Je l’espère en tous cas, car il est vraiment épuisant de scruter trop longtemps le ciel en priant je ne sais qui pour que la pluie tombe et soulage le sol, les plantes et les animaux…

Ancien guitariste de Pulp, Richard Hawley a commencé au début des 2000 une carrière solo qui, à mon goût, est plus intéressante, en tous cas plus plaisante, que les albums publiés en parallèle par son groupe d’origine (lequel, bien que plus connu et reconnu par la critique, ne m’a pas spécialement emballé après son premier CD « Separations »).

Le leader de Pulp, Jarvis Cocker, est à ce point charismatique qu’il prenait toute la lumière. Lorsque Richard Hawley s’est extrait de son ombre, on a donc été tout surpris de découvrir un tel artiste, avec une sensibilité aussi riche et affirmée et un art du songwriting aussi abouti (écouter par exemple « Coles Corner », que j’ai chroniqué dans mon année en musique, et qui est pour moi un sommet confondant de romantisme enflammé). C’est comme si Richard Hawley avait du ronger son frein pendant des années, comme s’il avait accumulé un matériau brut qui ne demandait qu’à être poli pour éclabousser le monde de son talent à la première occasion.

Si le natif de Sheffield a choisi de se lancer sur son propre chemin, ce n’était pas pour produire les chansons faciles et sucrées typiques de la britpop qui avait concurrencé Pulp dans les années 90, ni pour s’engager sur un chemin fait d’expérimentations, de rock progressif ou de cross-overs musicaux. Hawley est un grand nostalgique et un grand mélancolique, et il a donc préféré rejoindre le sillon creusé par des artistes plus sombres et intravertis comme Scott Walker ou Brian Wilson, ainsi que revenir aux sources du rock, celui des années 50-60, celui des longs capots, des bananes, des guitares au son clair, des costumes tirés à quatre épingles et des voix profondes.

La voix justement, parlons-en. C’est peu dire qu’elle est de velours, ample, chaude et grave: parfaite pour les ballades, elle évoque irrésistiblement celle des crooners légendaires, quelque part entre Elvis Presley, Frank Sinatra et Roy Orbison. Si j’étais une femme et si on me susurrait des mots d’amour à l’oreille avec un tel instrument, je crois que j’en aurais « des papillons dans le ventre », selon la formule consacrée.

Les orchestrations de Richard Hawley, qui font souvent la part belle aux arrangements de cordes amples et lents, me rappellent parfois celles des derniers concerts de Chet Baker, sans pour autant verser dans les facilités du music-hall: une guitare électrique au son bien net, une forte présence des cordes, une caisse claire discrète, ça et là quelques chœurs… C’est feutré, c’est suave, mais c’est puissant et ça s’immisce dans le cerveau pour n’en plus sortir.

Comme l’a écrit un chroniqueur parodiant une célèbre pub pour des bonbons au chocolat, « la musique de Richard Hawley fond toujours dans l’oreille, pas dans la main« . J’ajouterais qu’elle s’écoute aussi dans la pénombre, ou les yeux fermés – surtout quand il s’agit d’une invitation à ne pas regarder le soleil droit en face, comme le préconise le titre de la chanson que je partage ce soir.

Quant au sens mélodique de Richard Hawley, il est souvent éblouissant, particulièrement sur cette chanson. Les couplets comme les refrains sont chantés avec un mélange impressionnant de délicatesse et de solidité, de décontraction et de conviction (comme j’aimerais savoir chanter ainsi, et dégager de telles impressions grâce à ma seule voix!)

« Don’t stare at the sun » est issue du septième album de Richard Hawley, « Standing at the sky’s edge », pour lequel il a été nominé pour les Brit Awards 2013 dans la catégorie « Best british male ».

Je parlerai de l’album une autre fois.

Ici je me contente de quelques mots sur le morceau, créé et chanté pour celles et ceux que la nuit ravit davantage que la pleine lumière, peut-être parce qu’ils n’aiment pas trop être au centre des attentions, ou bien parce qu’ils craignent que soit révélée quelque blessure secrète (« Singing in the dark, / on our way home, the day is done for sleepy ones« ).

La musique et le texte de « Don’t stare at the sun » en font une chanson profondément mélancolique, de celles que j’aime et qui me touchent tant. J’ai envie d’en extraire, pour les mettre en lumière, ces quelques mots qui résonnent assez douloureusement en ce moment…

« It weighs so much to be alone tonight »

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