George Michael – « Careless whisper »

Étant donné mon âge, j’ai connu au milieu des années 80 l’une des périodes dorées du slow, ce genre musical qui semble avoir aujourd’hui disparu. Dans les boums, comme on disait alors, le passage des slows était LE moment que tout le monde attendait, auquel tout le monde se préparait avec impatience, avec excitation, avec fièvre, mais souvent aussi avec angoisse (pour les filles qui allaient encore se faire alpaguer par le boutonneux binoclard qui leur faisait horreur, ou pour les garçons qui se savaient trop timides pour inviter le canon intergalactique de leurs rêves).

Mon slow préféré est « Against all odds » de Phil Collins (partagé dans ma première année en musique), et j’appréciais aussi « Everytime you go away » de Paul Young. Dans ces deux titres, il est question d’un homme qui est dévoré d’amour mais qui n’est pas aimé en retour, et à l’époque ce sentiment déchirant me parlait tellement que quand je les écoutais, c’était généralement le coeur serré.

Aujourd’hui encore, j’aime retomber au hasard des programmations sur l’un des slows qui ont marqué mon adolescence, et par exemple sur celui que je partage ce soir.

Pour beaucoup d’amateurs de musique « légitime », « Careless whisper » est une chanson que l’on ne peut que juger avec dédain. Moi-même, pour être honnête, j’ai commencé à écrire cette chronique sur le mode « C’est entendu, ça n’a rien de transcendant, mais… »

Il faut dire que ce morceau a l’énorme défaut de contenir ce qui est pour moi l’une des plus grandes abominations des « tubes des années 80 », j’ai nommé le solo de sax. Il paraît que Hector Berlioz a dit du saxophone que « C’est plein, moelleux, vibrant, d’une force énorme » . Je veux bien que ce soit un instrument particulièrement sexy, mais quand il beugle à ce point, comme dans l’intro de « Je marche seul » de JJG, mes oreilles se mettent à saigner.

Par ailleurs le clip paraît aujourd’hui particulièrement toc, avec ce bellâtre au brushing impeccable et aux dents outrageusement blanchies, ce couple enlacé sur des draps rouges qu’on imagine en soie… On dirait du mauvais soap opera (c’est dire).

Et pourtant… Cette chanson lente, sensuelle, romantique et torride à souhait, suscite en moi le plaisir délicieux de retrouver quelque chose de mes premiers émois adolescents.

Chose très rare, elle raconte une infidélité dont George Michael se sentait très coupable. J’étais bien trop médiocre en anglais pour m’en rendre compte, alors je croyais que c’était tout simplement le chant d’amour lancé par un homme à une femme qui projette de le quitter.

En écrivant cette chronique, j’ai découvert que la construction de « Careless whisper » est plus subtile que je le croyais. Dans une émission sur France Inter que je mets en commentaire, le musicologue et chef d’orchestre Johan Farjot en a proposé une étonnante lecture. Il y souligne que « Careless whisper » est composée sur un mode mineur, ce qui lui donne un tour triste, plaintif, « élégiaque » , et il va même jusqu’à évoquer une « mélancolie debussyste » .

Vous n’auriez pas cru que le nom de Claude Debussy apparaisse dans une chronique sur ce chamallow délicieusement régressif de George Michael? À vrai dire moi non plus, et ça m’a réjoui. Je prendrai maintenant encore plus de plaisir à écouter « Careless whisper » .

« We could have been so good together

We could have lived this dance forever

But now, who’s gonna dance with me?

Please stay »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *