Cette interview finit par des solutions intéressantes (j’y viens plus bas), mais elle démarre classiquement par les raisons pour lesquelles une bonne partie des modèles agricoles actuels sont plus ou moins condamnés à terme, notamment pour des raisons climatiques [mais pas que].
– « L’augmentation générale des températures tout au long de l’année, liée au réchauffement climatique, bouleverse les stades de développement des végétaux. Par exemple, la floraison des arbres fruitiers a deux semaines d’avance par rapport à ce que l’on observait il y a 50 ans. »
– « Ensuite, il y a un effet ponctuel violent lors d’événements records de températures, comme ce que traverse le sud de l’Europe cette semaine. Ces événements extrêmes provoquent des dégâts sur les végétaux et induisent des pertes de rendements. (…) Les fleurs de tomate et de courgette, par exemple, sont vulnérables à partir de 35°C. Or en Italie et en Espagne, on est largement au-dessus, puisqu’on y mesure des 45-46°C. Les dégâts sur les fleurs sont irréversibles, elles ne repoussent pas avant l’année suivante. Et à chaque fleur perdue, on perd un fruit ou un légume. De même, à ces températures, les olives se dessèchent et tombent de l’arbre. Les pertes dépendront de la durée et de l’intensité de la canicule. »
– Pour le maïs, « la température optimale est à 30°C. Entre 30 et 40°C, les processus biologiques sont dégradés à l’intérieur des feuilles et la croissance ralentit. Au-dessus de 40°C, la température maximale de croissance du maïs, les plants ne poussent plus. Cette limite-là dépend de chaque espèce. Pour la betterave, dans le nord de la France, c’est plutôt 35°C.«
– « Malheureusement, il y a très peu de solutions face à un stress thermique. Contrairement à un stress hydrique où l’on peut compenser le manque d’eau en arrosant – s’il n’y a pas d’arrêté sécheresse. À 46°C, comme en Sardaigne cet été, on ne peut rien faire pour les feuilles, les fleurs et les fruits car il est techniquement compliqué de couvrir les cultures. »
[c’est possible sur de petites surfaces (cf. les superbes ombrières canisses d’Alessandro), mais sur des champs entiers…]

Bon, ça c’est pour le volet #punchpost.
Et côté solutions?
– « Aucun végétal ne pousse au hasard, ils ont tous des zones thermiques optimales. Avec le changement climatique, les aires de répartition remontent vers le nord. Ainsi, les régions du monde les plus septentrionales vont découvrir de nouvelles cultures, voire des hausses de rendements. À l’inverse, au sud, certaines cultures vont perdre en potentiel, comme le maïs ou l’oignon. Il faut se poser la question : qui va prendre la relève ? L’Espagne ne pourra plus être le verger de l’Europe, tel qu’il est actuellement. Il faut redispatcher ses productions maraîchères plus au nord. »
Malheureusement, on est encore trèèèèèèès loin d’avoir pris la mesure de ce qu’il y a à faire, en très peu de temps.
« Aujourd’hui, le gouvernement [en fait tout le monde ou presque] est sur une stratégie du pansement. On cultive les mêmes choses aux mêmes endroits, alors que les espèces sortent progressivement de leurs zones de prédilection. Les agriculteurs tentent de s’adapter en changeant de variété, en modifiant le cycle cultural ou la date des semis. Mais ces stratégies ne suffisent pas, il faut changer de culture et créer des filières. Car si on veut faire de l’olive ou de la pistache dans le sud de la France, on a besoin de gens pour récolter, transporter, transformer et acheter. Il faut créer un tissu économique local, national voire international, et tout ça prend du temps, entre quinze et trente ans. On est déjà très en retard. Il est urgent d’investir massivement vers des cultures résistantes au climat de 2040-2050. »