Je n’ai pas partagé de morceau de Kate Bush durant ma première année en musique, malgré les recommandations de plusieurs de mes amies (clin d’oeil à toi Flo). C’est un manque que je corrige aujourd’hui avec la chanson la plus célèbre de la flamboyante britannique.
Kate Bush est une artiste accomplie (auteure, compositrice, interprète, pianiste, danseuse, et même productrice), qui a obtenu pour sa longue carrière une grande reconnaissance critique (pour son exigence artistique, sa fantaisie et son goût pour l’expérimentation), tout en s’imposant comme une figure importante de la musique populaire. Cette double consécration est pour moi aussi rare que précieuse.
Je connais vraiment mal la discographie de Kate Bush, juste assez pour savoir qu’elle a frappé très fort et très tôt. Son premier 45 tours, « Wuthering heights », dont le texte est inspiré par le roman d’Emily Brontë qui porte le même nom, a été en tête des charts en Grande-Bretagne pendant quatre semaines, alors qu’elle était âgée seulement de 19 ans. Elle avait déjà une maturité et une détermination impressionnante, qui lui ont permis d’imposer cette chanson comme single alors que les producteurs étaient très réticents.
Rebelote quelques années plus tard, en 1985, lorsque sort son cinquième album solo intitulé « Hounds of love », dans lequel figure « Running up that hill (a deal with god) » . Comme Kate Bush l’a elle-même expliqué, c’est une chanson sur l’incompréhension entre les hommes et les femmes. Elle s’y décrit elle-même comme une femme qui se sent lâche et honteuse de redouter et de fuir cela même qu’elle réclame à grands cris (de l’amour, des bras autour d’elle…), une femme qui prie l’homme qu’elle aime de l’aider à savoir ce qu’elle veut (« Do you know what I really need? » ), et de l’empêcher de céder à la tentation de le fuir (« Oh, here I go, don’t let me go » ).
Si « Running up that hill » a tout de suite rencontré un énorme succès, c’est aussi en raison de son clip, qui met en scène cette difficulté qu’hommes et femmes éprouvent à se comprendre et à s’ajuster les uns aux autres. Ce clip présente une performance de danse très élaborée entre Kate Bush et le danseur Michael Hervieu, que l’on voit plusieurs fois mimer ensemble le geste de bander un arc, comme s’ils essayaient d’aider Cupidon à atteindre sa cible en plein coeur. Dans la séquence finale du clip, les deux amants sont noyés dans une foule anonyme, et petit à petit séparés l’un de l’autre. Pour Kate Bush, l’amour ne semble pas être un long fleuve tranquille…
Mais si ce morceau a marqué, c’est évidemment pour sa musique tout à fait originale et captivante. En 1985 on était en plein dans l’ère des synthés, mais ici ils ne sont ni sautillants ni stridents, plutôt atmosphériques et feutrés, avec un petit gimmick qui ressemble à un scratch et qui rentre facilement dans la tête. La basse minimaliste, la rythmique sensuelle et envoûtante, la guitare filtrée par les synthés, l’usage de la balalaïka, les arrangements de plus en plus complexes au fur et à mesure que la chanson avance, et bien sûr la voix de passionnée de Kate Bush (utilisée sur plusieurs lignes mélodiques différentes, avec un chant principal et des chœurs qui se chevauchent presque), tout cela accentue l’impression de mystère. « Running up that hill » est une chanson littéralement hypnotique.
En 2022, la quatrième saison de la série de science-fiction rétro « Stranger things », qui met en scène un groupe de pré-ados au milieu des années 80, a donné un coup de fouet inattendu à la carrière de « Running up that hill », non seulement en la diffusant à plusieurs reprises, mais en lui attribuant un rôle central dans le déroulement de l’histoire, puisqu’elle est pour le personnage de Maxine une sorte de formule magique capable d’éloigner le danger. Il a fallu 37 ans pour que la chanson devienne numéro 1 mondiale au classement des singles!
Mieux vaut tard que jamais.