C’est très gratifiant de partager ses réussites au jardin, et je le fais souvent avec mes photos de pastèques ou de framboises.
Mais je n’aime pas bien qu’on vende du rêve sans jamais mentionner les limites de son expérience, par exemple sans jamais mentionner que ce qu’on récolte, on le doit à tout un tas de circonstances favorables qui ne sont pas données à tout le monde (ce n’est pas qu’une question de talent et de savoir-faire).
Surtout, je n’aime pas qu’on ne mentionne jamais l’envers du décor et qu’on ne parle jamais de ce qu’on n’a pas su faire ni de ce qu’on a raté. Comme disait la maman de Forrest Gump, « la vie, c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber« … et parfois on tombe sur quelque chose de très décevant.
Exemple avec ma récolte de pommes de terre de l’année.
« Les frites, c’est la vie », je suis assez d’accord avec ça. Encore faut-il qu’il y ait des patates…
Cette année j’avais installé plus de plants, dans les mêmes conditions que l’année dernière, sur des parcelles différentes. J’espérais avoir une récolte plus importante, d’autant plus qu’il n’y a pas eu de sécheresse.
Mais en l’occurrence, ce que je croyais être une solution s’est révélé être un problème: il a souvent plu de petites quantités (on a même eu des journées de crachin), et de ce fait le mildiou s’est bien installé. Et comme la tomate, la pomme de terre est une solanacée, très vulnérable au mildiou…
Résultat: beaucoup de pommes de terre que j’ai récoltées sont très marquées. Au début du développement de la maladie, il faut en enlever une bonne partie, et au bout d’un certain stade elles commencent à pourrir et deviennent totalement immangeables.
Qui plus est, la pourriture se développe très vite même après que les pommes de terre ont été récoltées. Dans les seaux que vous voyez là, où je n’ai mis que celles que je pensais saines, j’en ai retrouvé des pourries quelques jours plus tard (et elles risquent de contaminer les autres, évidemment, donc il faut trier souvent).
Bref, bilan de ma saison pour cette culture:
>> Une récolte plus abondante (environ 80 kilos, tout n’est pas sur la photo), mais des patates plus abîmées et qui se conservent très mal.
>> Ces jours-ci je mange beaucoup de patates pour écouler le stock (heureusement que j’aime ça!), et j’en ai mis dans des soupes en conserves.
Alors bien sûr je n’ai pas traité, et peut-être qu’en le faisant j’aurais évité le problème, ou en tous cas j’aurais limité la casse.
Il se peut aussi que j’aie semé et récolté trop tard (les premiers semis ont eu beaucoup moins de problèmes, et les patates qui ont repoussé spontanément à partir de tubercules oubliés, récoltées en juillet, étaient parfaites).
Il se peut aussi qu’à l’automne j’ai trop amendé le sol en fumier peu décomposé.
Mais cette déconvenue me fait encore une fois réfléchir sur la vulnérabilité de nos systèmes alimentaires. Il faut quand même avoir en tête que le mildiou de la pomme de terre a entraîné une grande famine européenne dans les années 1840, tout particulièrement en Irlande et les Highlands en Écosse.
Dans le contexte actuel, cette déconvenue n’est pas bien grave: si je foire une culture dans mon jardin, je peux me fournir ailleurs, et s’il manquait vraiment de pommes de terre partout, je pourrais manger autre chose. Disons que je prends ça comme une bonne leçon, un échec dont je peux apprendre si j’essaye de bien comprendre ce qui s’est passé.
Mais dans le contexte instable qui nous attend, avec des aléas climatiques de plus en plus nombreux, de plus en plus intenses et de plus en plus erratiques, comment faudra-t-il appeler une telle déconvenue? Un léger souci, une grosse tuile, ou carrément une catastrophe?