Le trio n° 2 fait partie des œuvres majeures que Franz Schubert a composées dans une frénésie créatrice exceptionnelle, alors que la mort rôdait à cause d’une syphilis douloureuse (elle est finalement intervenue un an plus tard, à l’âge de 31 ans).
C’est un trio de musique de chambre typiquement romantique, en quatre mouvements, pour violon, violoncelle et piano. Le deuxième mouvement, sans doute inspiré d’une chanson populaire suédoise que Schubert avait en mémoire, démarre au piano de façon un peu sévère, mais l’apparition du violoncelle l’éclaire instantanément grâce à son thème long, lent et délicat, très mélancolique. À 5’09, on entend quelques mesures qui évoquent la musique tzigane, signe de la grande liberté avec laquelle Schubert composait. Il ne pensait qu’à une chose: exprimer avec sincérité les émotions qui le traversaient, ce qu’il appelait lui-même « un sentiment tragique de la vie« , la conviction vrillée au coeur que cette vie est belle, mais vaine et fragile (ou qu’elle est vaine et fragile, mais belle – c’est plus positif dans ce sens là je trouve).
En cela, le trio n°2 est tout à fait représentatif non seulement de l’œuvre de Schubert, mais aussi de son tempérament à la fois clair et obscur, tendre et angoissé. Pas étonnant que je me retrouve à ce point en lui…
Ce trio n° 2 a été dédié par Schubert « à personne, sauf à ceux qui y prendront du plaisir« . De son vivant, ceux-là n’étaient pas très nombreux (il écrivait surtout pour lui et pour ses amis, qui jouaient ses œuvres dans des réunions privées qu’ils appelaient « schubertiades »). Mais aujourd’hui ils le sont, à tel point que ce trio est l’une des œuvres les plus célèbres du répertoire classique, très régulièrement jouée en concert, et souvent utilisée dans des films (par exemple dans « Barry Lyndon » de Stanley Kubrick). Tout modeste qu’il était, Franz Schubert aurait sûrement préféré rencontrer le succès de son vivant, et la fameuse « reconnaissance posthume » lui fait aujourd’hui une belle jambe. Nous qui l’aimons, nous pouvons quand même être heureux que sa merveilleuse musique soit parvenue jusqu’à nous, et nous avons à coeur de la diffuser, comme je le fais aujourd’hui avec cette chronique.