Une des analyses que je préfère sur le déni.
Et elle est valable pour tout: le refus d’admettre les conséquences écologiques de son mode de vie, le refus de réaliser qu’on est en train d’être détruit à petit feu par une addiction, le refus d’accepter la mort de son couple et de laisser sa conjointe s’éloigner librement…
« Rien de plus fragile que la faculté humaine d’accepter la réalité.«
Vis-à-vis du réel, la plupart des humains ne manifestent qu’une sorte de « tolérance, conditionnelle et provisoire (…). Le réel n’est admis que jusqu’à un certain point: s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs« .
Mais face à une réalité déplaisante, l’attitude la plus commune est rarement un refus clair et net. Le déni est le plus souvent bien plus subtil, et donc bien plus difficile à débusquer.
« Si le réel me gêne et si je désire m’en affranchir, je m’en débarrasserai d’une manière généralement plus souple, grâce à un mode de réception à mi-chemin entre l’admission et l’expulsion pure et simple (…). Oui à la chose perçue, non aux conséquences qui devraient normalement s’ensuivre. (…) Je ne refuse pas de voir, et ne nie en rien le réel qui m’est montré. Mais ma complaisance s’arrête là. J’ai vu, j’ai admis, mais qu’on ne m’en demande pas davantage. Pour le reste, je maintiens mon point de vue, persiste dans mon comportement, tout comme si je n’avais rien vu.«
(Clément Rosset, « Le réel et son double »)