Les propositions de l’exécutif sur l’agriculture sont une régression pour l’environnement et la santé

Ce qui se passe depuis 3 semaines avec le mouvement « des agriculteurs » (enfin de certains gros bonnets de l’agro-industrie, qui ont réussi à envoyer au front des petits qui sont pourtant les victimes du système qu’ils dirigent), ça fait partie des « séquences » (comme disent les communicants) qui achèvent de me convaincre qu’on ira au bout du bout du délire, et que ça finira très mal.

L’écrasante majorité de nos dirigeants politistes et économiques, mais aussi, il faut bien le dire, des citoyen·nes, sont totalement incapables de comprendre des enjeux du long terme, de comprendre qu’en prolongeant l’agonie de systèmes qui sont intrinsèquement foireux et destructeurs, on ne fait que rendre cette planète encore plus inhabitable. On tombera de plus haut, ça fera plus mal, en particulier pour les plus fragiles et les plus précaires – à supposer qu’on puisse s’en remettre.

Et toute l’énergie, tout l’argent, toute la bonne volonté, tout le temps consacrés à sauver ces systèmes moribonds ne sont pas employés à préparer des alternatives.

Si je voyais ça de l’extérieur, je trouverais ça fascinant. Mais je suis dedans, j’ai des enfants, j’aime la beauté fragile et désarmée de ce monde, alors ça a aussi tendance à me révolter et à m’angoisser un tout petit peu.

Bref, voici quelques extraits d’une tribune signée hier par un millier de scientifiques, dont des membres du conseil scientifique de l’Office Français de la Biodiversité, à propos de ce qui s’est passé.

« La communauté scientifique qui travaille sur les enjeux environnementaux constate que, malgré l’accumulation de preuves issues de ses travaux, les récentes décisions de l’exécutif pour mettre fin à la mobilisation des agriculteurs représentent des reculs manifestes dans la lutte contre la dégradation environnementale et pour la préservation de ses fonctions écologiques. »

En quelques jours, sous la pression d’une minorité de la population [qui a pu occuper l’espace public et se livrer à des agressions et des destructions que l’État aurait dénoncé comme « éco-terroristes » ou « factieuses » si elles avaient été perpétrées par d’autres groupes sociaux], le peu qu’on avait de législation et de réglementation destinées à sauver les écosystèmes en détresse a été détricoté, ou carrément laminé :

– sur la préservation de zones humides, des haies et des pratiques de jachère

– sur l’objectif de réduire la pollution par les pesticides (le plan écophyto est plus ou moins mort et enterré)

– sur le partage équitable de l’eau

« Ces reculs n’apportent aucune réponse satisfaisante aux problèmes de qualité de vie des agriculteurs. Au contraire, ils entraînent des risques majeurs sur la santé humaine, en premier lieu celle des agriculteurs, mais également celle de l’ensemble de la population actuelle et future. »

« Le problème est profondément enraciné et résulte notamment des règles commerciales internationales et de leur mise en œuvre nationale, ainsi que d’une surreprésentation, au sein des instances de décision, d’organisations qui ne représentent qu’une partie du monde agricole. »

Ce dernier point est essentiel.

Ces scientifiques ne sont absolument pas des adversaires du monde paysan, c’est tout le contraire! « Notre communauté scientifique est solidaire du monde agricole avec lequel elle collabore et interagit étroitement. » « Nous constatons que de nombreux agriculteurs souffrent: lourdes charges de travail, contraintes économiques et bureaucratiques, notamment liées à un modèle agricole concurrentiel, basé sur la course aux volumes de production. Ces contraintes se traduisent par des revenus insuffisants, une surexposition aux risques professionnels, en particulier un taux de suicide très élevé et un fort impact environnemental. »

Mais le monde agricole dont la communauté scientifique est solidaire, c’est celui des paysans qui travaillent en agro-écologie. Et ce soutien justifie de combattre avec détermination les pratiques des industriels de l’agriculture qui, littéralement, sèment la mort.

>> Conclusion: « Nous réaffirmons la nécessité d’une coopération entre les pouvoirs publics, les agriculteurs, les citoyens et les scientifiques pour accélérer la bifurcation vers une agriculture soutenable, pilier de la transition écologique à venir, et rémunératrice des agriculteurs, plutôt que l’enfermement dans un modèle destructeur pour l’agriculture, les agriculteurs et l’environnement. »

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