Très bon article grand format de France Info, qui donne la parole à beaucoup d’expert·es (des politistes, des sociologues, des historiens), dont certains font autorité comme Robert Paxton, l’un des connaisseurs les plus reconnus du fascisme.
C’est particulièrement éloquent quant au risque que Trump et sa clique font peser sur la démocratie américaine.
Et encore, cet article a été rédigé et publié avant cette cérémonie d’investiture hallucinante, avant la grâce présidentielle des 1270 putschistes du 6 janvier 2020 qui avaient été condamnés pour avoir attaqué le Capitole et agressé des policiers et des parlementaires (dont un néo-nazi notoire qui portait ce jour là un tee-shirt avec l’inscription « Auschwitz camp »), avant le salut nazi d’Elon Musk qui n’a suscité aucun malaise dans la salle…
Pour ma part, j’hésite encore à qualifier Trump de fasciste, même s’il y a assurément des points communs et même si la dérive vers le fascisme est très rapide.
En revanche il est parfaitement clair qu’avec Trump les États-Unis ont d’ores et déjà quitté le champ de la démocratie (d’ailleurs il l’a carrément revendiqué dans un meeting devant ses partisans chauffés à blanc durant sa campagne: « La prochaine fois vous n’aurez plus besoin de voter »). Le régime trumpiste est un régime autoritaire, du même genre que la Russie de Poutine.
Sans même parler du nationalisme belliciste, des menaces explicites sur la souveraineté du Canada, du Danemark et du Panama.
Sans même parler du mensonge érigé en méthode de gouvernement, de la réécriture des faits, du complotisme et de l’inculture les plus crasseux…
Ça nous promet un avenir radieux!
Sous la photo, quelques extraits de l’article, avec les noms et qualités des personnes citées ⤵️

– Robert Paxton (historien): l’étiquette « fasciste » semble « non seulement acceptable, mais nécessaire » pour parler de Donald Trump.
– Hans Noël (professeur de sciences politiques à l’université Georgetown): « Identifier des personnes comme des menaces pour l’État, définir l’identité américaine avec des critères culturels et raciaux qui excluent toute une partie de la population, se méfier des médias et essayer de les discréditer… Beaucoup de stratégies de [Donald Trump] sont similaires à celles des mouvements fascistes. »
– Enzo Traverso (professeur à l’université Cornell): « Le fascisme du XXIe siècle ne peut pas être une répétition de celui des années 1930 ». Il y a cependant des points communs entre plusieurs « partis [modernes] nationalistes, xénophobes, de droite radicale, qui dans certains cas trouvent leurs origines dans les mouvements néofascistes – le Rassemblement national en France – ou fascistes – les Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni ».
« Dans les années 1930, les leaders fascistes établissaient une relation quasiment physique avec la communauté de leurs disciples. Désormais, cela passe par les réseaux sociaux et les chaînes de télévision ».
– Manon Lefebvre (maîtresse de conférence en civilisation américaine à l’université polytechnique des Hauts-de-France), à propos de la promotion de l’hypermasculinité, qui fait écho au virilisme fasciste: « Dans l’Allemagne nazie, il existait une idéalisation du corps masculin musclé. On la retrouve chez certains influenceurs supporters de Donald Trump, qui mêlent vidéos de fitness et discours d’extrême droite sur les réseaux sociaux ».
– Nadia E. Brown (professeure de sciences politiques et d’études des genres à l’université Georgetown): « Ce discours diabolise tous ceux qui s’affranchissent des normes traditionnelles et genrées, en cherchant à renvoyer les femmes à la sphère privée et en identifiant les personnes LGBT+ comme des ennemis de l’État. »
– Enzo Traverso: « Le fascisme des années 1930 était profondément antisémite. Les mouvements post-fascistes, eux, sont tous islamophobes ».
– Nadia E. Brown: le principal point commun de Donald Trump avec les mouvements fascistes est « sa volonté de s’écarter de l’Etat de droit, quitte à tordre la Constitution si cela peut servir ses intérêts. »
– Enzo Traverso : « En janvier 2021, il a encouragé ses partisans à essayer de renverser le Congrès, d’infirmer le vote pour la présidentielle. Cette fois, il a gagné l’élection, mais il avait affirmé auparavant que si le résultat lui était défavorable, il ne le reconnaîtrait pas. Le fil rouge qui rattache cette constellation post-fasciste au fascisme classique, c’est la remise en cause de la démocratie ».
Donald Trump a déjà contribué, lors de son premier mandat, à « faire reculer la démocratie américaine ». Cette fois, il aura encore plus de latitude. La « résistance interne » de certains membres du gouvernement et du Parti républicain, lors de son premier mandat, a disparu. Dans sa nouvelle administration, Donald Trump ne s’entoure que de collaborateurs trop loyaux pour s’opposer à ses décisions. « Les républicains ont la majorité dans les deux chambres du Congrès, et la Cour suprême compte six juges conservateurs sur neuf ».
– Enzo Traverso: Donald Trump a déjà « prouvé qu’il n’accepte pas les règles de la démocratie, qu’il est capable de les renverser si elles ne lui conviennent pas, et qu’il dispose d’outils, y compris institutionnels, pour le faire. Une fascisation des États-Unis, impulsée par le pouvoir fédéral, n’est pas impossible. »