Leon Bridges – « Peaceful place »

Ces dernières semaines, je passe beaucoup de temps tout en bas de mon terrain, juste avant ma forêt, à nettoyer des ronciers et des arbres tombés, pour pouvoir à nouveau profiter de la beauté et de la tranquillité de cet endroit où l’on entend à la fois le bruissement du vent dans les arbres, l’eau qui court dans le ruisseau et les oiseaux qui chantent. C’est un travail fatigant, mais l’endroit est tellement agréable (plus encore quand je travaille avec des amis comme Laurent, Muriel et Thierry!)…

Par association d’idées, je me suis surpris à plusieurs reprises à fredonner le refrain de cette chanson d’un artiste américain que j’ai découvert récemment. Leon Bridges est un jeune et beau crooner originaire du Texas profond, qui a commencé sa carrière en s’inscrivant dans la plus pure tradition de la Southern soul et du RnB, celle de Sam Cooke ou d’Otis Redding. Paru en 2018, son premier album s’appelait « Coming home », une façon de signifier son souci de revenir à la racine de sa culture musicale, celle des ballades amples et suaves.

Depuis lors, Leon Bridges a fait évoluer sa musique en ajoutant à son côté rétro des sonorités plus modernes (des claviers notamment), ainsi qu’une touche de musique du monde (par exemple des bongos). Les textes, qu’il chante de sa belle voix qui a totalement enthousiasmé Étienne Daho, restent en revanche fidèles à ce qui est la principale inspiration de Leon Bridges : la nostalgie pour son enfance, sa jeunesse, sa région d’origine, sa maison…

Pour autant il n’y a rien chez lui de triste ou d’amer, encore moins d’angoissé ou de torturé. Bien au contraire, dans cette magnifique chanson solaire et aérienne, il y a quelque chose de souverainement radieux. Leon Bridges raconte qu’il a connu des heures sombres (« I used to walk / on the darker side / Rain in my eyes / (…) I felt so alone« ), mais que désormais il a trouvé un lieu paisible dans lequel il se sent chez lui. Il y a des gens (et j’en suis, malheureusement) qui ont bien du mal à se sentir heureux, même quand ils sont là où ils ont rêvé d’être. Cette difficulté à être en paix en dépit de circonstances favorables me fait penser à une superbe et pénétrante formule d’Horace que cite quelque part Montaigne : « Le sombre chagrin monte en croupe derrière le cavalier » (ce que personnellement je traduisais pas « Si tu vas mal, inutile de fantasmer à aller mieux en quittant simplement de lieu ou en changeant simplement de contexte, car la guérison ne peut passer que par un travail intérieur profond et souvent douloureux »). Ce que Leon Bridges exprime dans cette chanson, avec une intensité vibrante, c’est tout le contraire : le lieu paisible qu’il a trouvé, ce n’est pas un endroit précisément localisé sur cette planète, qui le comblerait mais dont il ressentirait le manque dès qu’il s’en éloignerait : c’est un rapport à lui-même et au monde, une forme de spiritualité qui lui permettent d’être en accord avec lui-même où qu’il se trouve (« I feel at home / anywhere that I go« ), et que nul ne pourra donc lui reprendre.

Si ce lieu est paisible et heureux, c’est aussi parce qu’il est habité par l’amour. Le dernier couplet de « Peaceful place » évoque une femme qu’il n’a pas vue depuis un moment mais qui est de retour à la maison, et qui la remplit à nouveau de rires et de sourires (« She makes me laugh / still makes me smile« ). Bienheureux homme.

Quand il vivait un moment joyeux, mon grand-père maternel que j’aimais tant avait l’habitude de dire « Que demander de plus ? », et bien souvent un petit sourire timide s’allumait et ses yeux pétillaient. C’est cet état de plénitude que Leon Bridges met ici en musique, de façon splendide et inspirante.

« I’m in a peaceful place

I found something no one can take away »

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