L’agriculture sous la pression de l’effondrement écologique: tic, tac, tic, tac, tic, tac……

C’est la fin de l’été, les jours raccourcissent, les températures retombent en pente douce, la pluie revient ici et là (par exemple dans mon Limousin depuis hier), et la rentrée des classes se profile : autant de raisons de ne plus continuer à penser aux chocs que les écosystèmes ont encore encaissés cette année, avec plusieurs épisodes de canicule et une importante sécheresse de surface, des feux de forêt exceptionnels, des orages de grêle monstrueux et des inondations ici ou là, tout ça faisant suite à deux années de forts excédents de pluie qui avaient gorgé les sols d’eau et retardé voire empêché des semis ou des récoltes, tout cela succédant à d’autres canicules et sécheresses les années précédentes…

Les événements météorologiques extrêmes se succèdent, de plus en plus fréquemment (cf. par exemple la hausse massive du nombre de vagues de chaleur, bien visible sur le graphique ci-contre), de façon de plus en plus erratique et imprévisible (canicules, sécheresses, tempêtes, crues / inondations…), avec de plus en plus souvent une intensité hors normes. Ce n’est pas pour rien que les scientifiques parlent de changement climatique ou de dérèglement climatique, et pas seulement de « réchauffement »…

Si on vit en ville et/ou si on si on ne jardine pas, on ne passe pas une grande partie de son temps à préparer des plantations, à s’en occuper, à les arroser si besoin, etc., et tout ce qui précède n’apparaît que dans le flot médiatique et de façon épisodique, durant ces épisodes exceptionnels. Même alors, les rayons des magasins restent achalandés, les denrées agricoles continuent d’affluer et de finir sur les tables : elles ne viennent pas forcément des mêmes régions ou des mêmes producteurs, voilà tout. On n’est pas forcé d’y penser, c’est une inquiétude qui reste dans une certaine mesure assez lointaine, désincarnée.

Mais pour celles et ceux qui produisent de la nourriture, cette inquiétude prend à la gorge, et à la longue elle se transforme en angoisse. Dans le monde agricole, de plus en plus de personnes sont forcées de reconnaître ce que peut-être elles ont longtemps minimisé ou nié : le changement climatique est déjà là, c’est une réalité, et on ce n’est pas un événements anodin dont on pourra s’accommoder, car ses conséquences sur la production agricole sont déjà massives. Il faut ici saluer le remarquable travail de Serge Zaka, et le précieux site internet Agro climat, qu’il alimente régulièrement et qui documente les diverses pressions exercées par le changement climatique sur la production agricole.

Dans cet article, je me contente de coller quelques captures d’écran de cette fin d’été, qui montrent que mêmes les agriculteurs conventionnels, même celles et ceux qui adhèrent à la FNSEA, à la JA ou à la CR, commencent à comprendre le merdier dans lequel on est. Ces trois syndicats continuent aveuglément à défendre une agriculture industrielle qui pourtant, en plus d’être totalement mortifère et de semer la mort (il faut voir à quelle misère ressemblent les champs tout juste semés…), est absolument insoutenable et sera bientôt rendue impossible par le changement climatique (et aussi par l’effondrement de la biodiversité et par la descente énergétique). L’agriculture industrielle est une forme de suicide : plus elle durera, plus elle dépassera les frontières planétaires, et plus les écosystèmes s’effondreront, et plus vite on arrivera à une situation où il sera tout bonnement impossible de « nourrir le monde » et où il n’y aura tout bonnement plus d’agriculteurs et d’agricultrices. Aux obsédés du « productivisme » et de la « Ferme France » qui vomissent et rêvent de dézinguer toutes les « entraves normatives à la production » (la formule est du sinistre Laurent Duplomb), j’ai envie de demander: mais à votre avis, comment peut-on produire quand les prairies sont mortes, quand les fruits tombent de l’arbre alors qu’ils ne sont pas encore mûrs, quand les animaux sont décimés dans les élevages à cause de la chaleur étouffante, quand les plantent se dessèchent faute de pluie, quand les fleurs avortent à cause de la canicule, ou quand les sols gorgés d’eau interdisent l’accès aux engins mécaniques?

La prise de conscience se répand parmi ces agriculteurs conventionnels : « On est en première ligne » , « On ne sait pas comment envisager l’avenir » … Jusqu’à quand continueront-ils à défendre des organisations syndicales qui les condamnent ? Je discute souvent avec des agriculteurs qui critiquent la Confédération paysanne, reprenant machinalement les éléments de langage éculés de la FNSEA, sans avoir conscience qu’en réalité, la Conf’ soutient réellement l’agriculture paysanne et toutes les mesures dont ils ont vraiment besoin : la hausse des prix et des revenus, l’installation de jeunes, l’amélioration de la qualité sanitaire des aliments (sans parler de l’amélioration des conditions d’élevage)… Dans cet aveuglement collectif, la responsabilité de l’État, des élus de la droite et de l’extrême-droite, et de l’agro-industrie est écrasante.

Je reviens à ma série de captures d’écran ci-dessus. Quand on réfléchit ne serait-ce que quelques minutes à la façon dont pourrait fonctionner une société dans laquelle l’approvisionnement en nourriture n’est plus garanti, il y a vraiment de quoi être inquiet. Et je crois que ce devrait être, pour chacune et chacun, le prétexte non seulement à une réflexion, mais à des actions concrètes pour…

1) modifier son alimentation et manger beaucoup moins de viande et uniquement des produits de saison (ça n’importe qui le peut),

2) si on en a la possibilité, contribuer à produire soi-même une partie de son alimentation, planter des arbres fruitiers, laisser la nature respirer et regagner un peu d’espace. Certes, ceci n’est pas possible pour tout le monde, mais il suffit de vivre sur un petit terrain pour pouvoir y contribuer. Parler et expliquer ce qu’il faudrait faire, c’est bien, mais agir et le faire concrètement c’est beaucoup mieux, alors au travail !

« L’urgence de la situation exige que nous ne nous contentions pas d’être, mais de faire, et surtout, de ne pas nous contenter de parler. Quand vous aurez implanté votre système, vous aurez de quoi parler. (…) Faites d’abord et parlez-en ensuite, pas le contraire » (Mark Shepard, Agriculture de régénération, p.267-268).

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2 thoughts on “L’agriculture sous la pression de l’effondrement écologique: tic, tac, tic, tac, tic, tac……

  1. Salut Greg. Chouette article qui appuie bien là où il faut. Est-il possible de la partager par mail via un lien ? (Je voudrais le mettre sur le « Crieur », notre messagerie locale. Bises

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