L’actualité n’offre pas souvent l’occasion de se réjouir mais en voilà une : Naboléon ne va pas échapper à la prison, et même si ce voyou démagogue n’y passe que quelques nuits, même si ce n’est pas encore très cher payé étant donné l’ensemble de son œuvre, ce sera déjà ça de pris.
En apprenant la nouvelle, j’ai pensé que je pourrais faire une petite chronique musicale sur ce thème, et bien entendu j’ai tout de suite pensé à cette chanson de notre Johnny national.
Sortie en 1964, alors que Johnny a seulement 21 ans (il est donc tout juste majeur), « Le Pénitencier » est l’adaptation française d’un folk song américain, « The house of the rising sun », dont on ne sait pas très bien à quand il remonte (XVIème ou XVIIème siècle?), et dont les versions sont très nombreuses. Elle évoque toujours le destin malheureux d’un homme ou d’une femme du peuple, mais selon les artistes et les époques, l’histoire qu’elle raconte peut être fort diverse : elle peut parler d’une jeune fille qui tombe dans le piège tendu par un proxénète séducteur, ou d’un pauvre garçon qui sombre dans le jeu et l’alcoolisme suite à un chagrin d’amour… Quoi qu’il en soit, « The house of the rising sun » est un folk song profondément ancré dans la culture populaire américaine, et elle a été (ré)interprétée par des artistes très renommé·es, notamment Woody Guthrie, Bob Dylan, Joan Baez, Nina Simone…
Écrite notamment par Hugues Aufray, quelques mois après un enregistrement à succès du groupe anglais The Animals, l’adaptation française prend quelques libertés par rapport à l’histoire originale : elle raconte l’incarcération d’un jeune homme qui va entrer en prison à perpète, et qui se reproche d’avoir fait pleurer les femmes de sa vie, sa mère et sa fiancée, désormais couvertes de honte. Il espère un pardon (« Peux-tu jamais me pardonner ? / Je t’ai trop fait pleurer » ), qui ne changerait rien, mais qui allégerait peut-être un peu sa peine…
Accompagné par l’orchestre de son futur beau-père Eddie Vartan, Johnny effectue ici un tournant musical important, et pas seulement parce que « Le pénitencier » a été un succès important sur le plan commercial. Jusque là il était un chanteur parmi d’autres de la vague yéyé, au milieu de Claude François, Adamo ou Richard Antony, et il donnait à son jeune public des chansons faciles et désinvoltes sur lesquelles on pouvait facilement danser dans les surprises-parties. Avec « Le pénitencier », finis le twist et les allusions aux copains et aux filles, Johnny Halliday va se diriger vers des thématiques plus matures, et il finira par enregistrer quelques très belles chansons que je chroniquerai peut-être un jour (« Quelque chose de Tennessee », « J’ai oublié de vivre » et « L’envie », de loin ma préférée, notamment depuis qu’elle a été utilisée dans une magnifique scène d’un film de Laetitia Masson, « À vendre », avec une Sandrine Kiberlain vibrante et farouche dans sa volonté d’échapper aux griffes du patriarcat et de conquérir sa liberté – « Qu’on me donne l’envie, / l’envie d’avoir envie / Qu’on rallume ma vie » ).
Par deux fois, Johnny Hallyday a chanté « Le pénitencier » pour des prisonniers. La première fois c’était en Suisse, et à l’occasion de sa visite de la prison, il a eu ces mots très humbles : « J’ai été sauvé par mon métier, peut-être que je serais ici aujourd’hui si je n’avais pas eu cette chance. »
Nicolas Sarkozy pensait sans doute, lui, que son métier et son statut d’ancien président seraient gages d’immunité, comme une carte « Sortie de prison » permanente. Mais dans ce pays, quoi qu’on en dise, il existe un truc qui s’appelle la Justice, et qui en dépit de nombreuses difficultés et tentatives d’entrave, fonctionne encore, fort heureusement.
Sarkozy dormira en prison. « Quelle indignité »? Plutôt Cheh.