Cette chanson est sortie en 1995 sur un album de U2 réalisé sous un pseudonyme, car le style musical était assez éloigné des habitudes du groupe : produit par Brian Eno, qui était à l’origine du projet et qui s’y est énormément investi, ce disque lorgne vers l’ambient music ou la musique expérimentale.
Cet album en forme de side project, intitulé « Original Soundtracks », comprend 14 morceaux qui sont tous conçus pour illustrer des films de façon sonore. Je ne l’ai guère écouté en entier, parce que j’avais lâché U2 à partir de « Zooropa »: à partir de ce moment-là, le groupe est décidément trop éloigné de la fraîcheur et de la fougue de ses jeunes années, trop happé par la recherche du succès commercial et de la reconnaissance. Il paraît qu’un jour Bono a dit à propos de Radiohead que ce groupe a gâché sa chance de devenir « le plus grand groupe de rock du monde » , et je trouve assez navrante cette façon de transformer la musique en terrain compétitif.
La critique n’a pas non plus été totalement emballée par « Original Soundtracks », et les membres de U2 eux-mêmes semblent partager ce jugement quelque peu mitigé. En tous cas le batteur Larry Mullen a dit que « La frontière est mince entre la musique intéressante et l’auto-complaisance. Nous avons franchi la ligne sur l’album des Passengers » . Peut-être que ce point de vue s’explique par un soupçon d’aigreur, car cet album comprend très peu de guitares, mais encore moins de batterie…
Bref, « Original Soundtracks » est un album un peu déconcertant, et qui s’est d’ailleurs assez mal vendu (seulement 2 millions d’exemplaires, une misère pour le groupe).
Cela dit, il est quand même appréciable de voir U2 oublier de surfer sur sa notoriété et prendre quelques risques. Comme l’a dit Bono à l’époque, « On voulait devenir le backing band de Brian Eno, c’est là que je me suis rendu compte que je préférerais être un passager plutôt qu’un conducteur » . Pour ce qui est de la musique, confier les clés du camion à Brian Eno, en voilà une idée qu’elle est bonne. En tous cas ce disque comprend quelques très belles pièces atmosphériques qui, en effet, ne dépareilleraient pas sur un disque de la série « Music for films » – je pense notamment à « Ito Okashi ».
Unique single de l’album, « Miss Sarajevo », destinée à illustrer un documentaire sur la guerre en Bosnie, en est la chanson la plus connue, notamment parce que le célébrissime ténor Luciano Pavarotti y pose sa voix impressionnante à partir de 2’57. J’ai toujours apprécié ce morceau, qui semble un peu trop gros pour être honnête, mais qui me file malgré tout la chair de poule lorsque le colosse italien sort l’artillerie lourde et envoie du pâté.
« Is there a time for different colours? »