L’enregistrement en 1994 du deuxième album de Suede, « Dog man star » , a été particulièrement éprouvant pour les membres du groupe, qui était déchiré par la mésentente entre le leader et chanteur Brett Anderson et le guitariste Bernard Butler. Celui-ci, de plus en plus en désaccord avec le tournant glam que Brett Anderson voulait prendre avec le soutien du producteur Ed Buller, a d’abord réclamé, puis exigé, qu’on lui fasse plus de place, et il a fini par poser un ultimatum: « C’est lui [Ed Buller] ou moi » . La réponse a été cinglante: tu peux dégager mon petit pote. Alors Butler s’en est allé, bien avant la fin des sessions, et il a enregistré ses dernières parties de guitare électrique seul dans son coin, dans un autre studio.
« The asphalt world » est la dernière chanson qu’il ait enregistrée avec le groupe avant son départ. Il a réclamé qu’elle soit allongée de plusieurs minutes pour pouvoir y intégrer d’autres solos de guitare. Ça lui a été refusé, mais au final le morceau dure quand même 9 minutes et 25 secondes, assez pour accueillir un solo torturé (à partir de 6’28). Avec le recul, on peut interpréter « The asphalt world » comme une sorte de pot de départ musical pour Butler…
Indépendamment de cela, « The asphalt world » est un morceau héroïque et tragique, qui progresse et monte en puissance lentement, galvanisé par le chant de Brett Anderson, crooner plus flamboyant que jamais, et qui se termine de façon lunaire. On a connu adieux plus chaleureux et larmoyants, mais parfois on finit comme on peut…
« But where does she go?
And what does she do?
And how does she feel when she’s next to you? »