Écrit en 1941 spécialement pour Billie Holiday, « Lover man » est l’un des plus célèbres standards de jazz. Elle l’enregistrera pour la première fois trois ans plus tard, bientôt suivie par de nombreux géants du jazz tels que Charlie Parker, Lee Konitz, Sonny Rollins & Coleman Hawkins, Duke Ellington & Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Art Pepper, Sonny Stitt…
A priori, « Lover man » semble être une bluette évoquant la rêverie d’une jeune femme qui se désespère d’être seule (« I don’t know why but I’m feeling so sad / I long to try something I never had / Never had no kissing / Oh, what I’ve been missing« ), et qui imagine un prince charmant qui viendrait l’étreindre, l’embrasser et la tirer du chagrin. Où peut-il bien être, cet amour après lequel elle soupire ardemment? Et d’ailleurs, existe-t-il seulement? Tout cela sonne clairement la rêverie adolescente (#quinzeans): « I’ve heard it said / that the thrill of romance / can be like a heavenly dream« .
Mais connaissant la personnalité, la vie et les addictions de Billie Holiday, on n’est pas forcément dans le registre sentimental de « Someday my prince will come »: les hommes après lesquels soupirait Lady Day étaient aussi des petites frappes qui l’exploitaient et la maltraitaient, ainsi que des dealers d’héroïne…
« Lover man » est rapidement devenu l’un des morceaux fétiches de Billie Holiday. Dans le superbe coffret de l’intégrale « The Verve years », on l’entend la travailler à plusieurs reprises au cours de sessions de studio avec son producteur, et elle l’a très souvent chantée en concert.
Sur le plan musical, j’ai toujours aimé le léger balancement par lequel démarrent les couplets de ce standard. Mais ce qui me charme le plus, à chaque écoute, c’est la rupture et le rythme rebondissant qui interviennent au tout début des deux vers qui précèdent le « Lover man, oh where can you be? » La mélodie semble alors évoquer un coeur qui, après avoir longtemps résisté, accélère soudain, se rend à l’évidence et se lâche: « Il est là, devant moi, dans l’entrebaîllement de cette porte, sur le quai de cette gare, en haut de cet escalier… »
« Someday we’ll meet
and you’ll dry all my tears
Then whisper sweet
little things in my ear
Hugging and a kissing
Oh, what we’ve been missing
Lover man, oh, where can you be »