The Police – « King of pain »

Cinquième et dernier album studio de Police, « Synchronicity » est l’un de ceux que j’ai le plus écoutés et que j’ai plus aimés quand j’étais adolescent (il est sorti en 1983, j’avais alors treize ans). C’était mon groupe préféré.

C’est grâce à ce disque que Police a rencontré le succès public le plus significatif (il a été numéro 1 des ventes aux États-Unis 17 semaines de suite!). Mais cette reconnaissance n’a pas empêché le trio de se séparer, Sting étant trop pressé d’entamer une carrière solo. Il faut dire que l’ambiance entre les trois policemen était devenue vraiment délétère: ils ne se supportaient plus, si bien qu’ils ont enregistré chacun leur partie dans des pièces séparées et qu’ils se faisaient écouter leurs enregistrements par téléphone ou en visioconférence! Même la pochette de l’album illustre la fracture qui est en train de rendre inexorable la séparation du groupe: on y voit trois bandes de couleurs différentes qui contiennent chacune des photos de Sting, ou du guitariste Andy Summers, ou du batteur et percussionniste Stewart Copeland: chacun dans son univers.

Par rapport aux albums précédents, « Synchronicity » s’éloigne de l’inspiration « reggae blanc » que le groupe avait plus ou moins revendiqué à ses débuts (cf. le titre de l’album « Reggatta the blanc »), mais aussi des incursions dans le ska ou la new wave que l’on perçoit dans « Zenyatta mondatta » ou « Ghost in the machine ». Ici les synthés sont beaucoup plus présents, les arrangements sont plus complexes et plus soignés, et les ambiances musicales sont très variées, avec quelques titres très downtempo (« Tea in the Sahara », « Walking in your footsteps »), d’autres assez foldingues (« Miss Gradenko », « Oh my god »), et même une chanson carrément hystérique et angoissante que j’ai toujours détestée (« Mother »).

« Synchronicity » est surtout connu pour un gigantesque tube, « Every breath you take ». Personnellement je lui préfère d’autres morceaux, notamment cet obsédant « King of pain » à l’intro originale et captivante, à la mélodie envoûtante, à la composition musicale variée et sinueuse (magnifique pont à partir de 3’14), et aux paroles pour le moins troublantes.

Ici il est question d’un homme qui fait le constat brutal que sa vie est à l’arrêt (« There’s a little black spot on the sun today / It’s the same old thing as yesterday« ), et qui se complaît dans le masochisme ou la compulsion d’échec. Un jour il a espéré qu’une femme l’aide à en sortir, mais il était trop enfoncé dans le malheur pour qu’elle y puisse quelque chose (« I guess I’m always hoping that you’ll end this reign / But it’s my destiny to be the king of pain« ), si bien que la chanson se finit sur une litanie de sept « I’ll always be king of pain« .

J’ai longtemps été assez fasciné par cette chanson, par son message désespérant qui correspondait tellement à l’idée que je me faisais de moi-même et de la vie que j’allais pouvoir mener: je m’attendais à tout foirer, à toujours être quitté, à vivre éternellement dans la douleur et l’angoisse. Il peut y avoir quelque chose de rassurant à se complaire dans un tel scénario de vie.

Mais aujourd’hui je trouve ça glauque, et je suis soulagé de ne plus y être plongé jusqu’au cou. Sans pour autant être devenu un king of pleasure (j’ai encore une bonne marge de progression), j’ai au moins appris à ne plus me tabasser moi-même en permanence, à prendre un peu plus soin de moi-même, et à profiter des bons moments – comme par exemple écouter un excellent album de Police.

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