Après la furie d’hier, un peu de nonchalance aujourd’hui, avec cette chanson toute simple qui dit qu’il ne suffirait pas de grand-chose pour mener une vie heureuse, et que cela dépend surtout de ce qui se passe en nous et de la qualité des liens que l’on tisse.
Un petit air de sobriété heureuse.
Le sociologue Pierre Bourdieu a défini l' »illusio » comme le fait d’être « pris » ou de se laisser happer par un jeu social (par exemple par la recherche de la réussite professionnelle et financière, ou par la conquête du pouvoir politique, ou par l’espoir d’un triomphe sportif ou d’une reconnaissance scientifique ou artistique). Bien entendu, on ne joue jamais ce genre de jeu social avec autant d’ardeur que lorsqu’on est persuadé qu’il vaut la peine d’être joué, qu’il est important d’y jouer, et si possible d’y gagner.
Je crois que si j’aime tant cette chanson d’Hervé Cristiani, c’est parce qu’elle décrit un homme sage et tranquille qui regarde tout ça de loin, car il sait que l’essentiel est ailleurs, que sous l’écume fracassante, aléatoire et évanescente des événements, il y a l’immensité immobile et immémoriale de la mer – ce que nous sommes au plus profond, pas très différents les uns des autres.
Max ne se rebelle pas, il ne rue pas dans les brancards, il se contente d’observer avec étonnement et compassion l’excitation de celles et ceux qui croient à ces enfantillages, et de dire « Sans moi » . Et c’est tout sauf anodin. Peut-être même est-ce dans ce retrait du terrain de jeu que se situe la véritable rébellion.
« Il met de la magie, mine de rien, dans tout ce qu’il fait
Il a le sourire facile, même pour les imbéciles
Il s’amuse bien, il n’tombe jamais dans les pièges
Il n’se laisse pas étourdir par les néons des manèges
Il vit sa vie sans s’occuper des grimaces
que font autour de lui les poissons dans la nasse »
« Dans l’panier de crabes, il n’joue pas les homards
Il n’cherche pas à tout prix à faire des bulles dans la mare »
« Il r’garde autour de lui avec les yeux de l’amour
Avant qu’t’aies rien pu dire, il t’aime déjà au départ »