Peter Gabriel – « Don’t give up » (feat. Kate Bush)

Cette chanson d’une infinie délicatesse, que j’ai découverte à 18 ans, est depuis lors l’une de mes chansons fétiches. Je l’écoute très souvent et toujours avec une immense émotion, soit que je sois en plein dans l’état d’esprit que raconte Peter Gabriel, soit que je m’en souvienne encore en tremblant, soit que je vois autour de moi des personnes dans le chagrin et que je voudrais réconforter.

Peter Gabriel décrit ici les sentiments d’un homme dont les efforts pour se montrer fort, puissant et performant se fracassent de façon cuisante contre le mur de la réalité: « In this proud land we grew up strong / We were wanted all along / I was taught to fight, taught to win / I never thought I could fail. » Cet homme avait bien vu, autour de lui, d’autres tomber dans la spirale de l’échec, mais il est stupéfait que ça lui arrive aussi, à lui: « Though I saw it all around / never thought I could be affected » . Quoi qu’il en soit, il se voit désormais comme un raté, il se sent rejeté de toutes parts (« No one wants you when you lose » ) , et pire encore il est comme éteint de l’intérieur (« I am a man whose dreams have all deserted » ) , déserté par l’envie de vivre (« Going to stand on that bridge / keep my eyes down below » ).

À l’origine, Peter Gabriel a écrit cette chanson pour décrire une situation bien précise (en l’occurrence les ravages du chômage: « For every job, so many men / so many men no-one needs » ).

Mais en réalité, « Don’t give up » est une chanson universelle qui parle de l’échec sous toutes ses formes. Je me souviens par exemple qu’un jour, j’y avais pensé très fort en écoutant pendant vingt minutes, désemparé, à la sortie d’un amphi bondé et anonyme, une étudiante en larmes car inconsolable d’avoir « foiré son examen » …

Cette chanson décrit les effroyables sentiments d’inutilité et d’impuissance, l’épuisement quand on n’en peut plus d’essayer de correspondre à des exigences trop élevées, quand notre énergie toute entière est consumée pour essayer de ne pas nous désagréger et sombrer tout à fait, de ne pas être enseveli sous le poids de la solitude, de la honte, de la détresse et du désespoir, de simplement survivre au jour le jour. Disons le mot: c’est une chanson sur la dépression, cette mort qui prend place au coeur même de la vie et qui la détruit de l’intérieur, cette guerre sans pitié et dévastatrice que l’on mène contre soi-même.

Tout cela est chanté d’une voix infiniment lasse et poignante par Peter Gabriel, dans des couplets désolés, accompagné par une rythmique lente et respectueuse et par un synthé vaporeux et enveloppant comme du satin.

Mais dans le même temps, et c’est sa magie, « Don’t give up » est une chanson sur l’amour, l’amitié, la solidarité, l’empathie, le lien, la confiance, la douceur, la bienveillance, le courage.

Tout cela est chanté de façon aérienne et lumineuse par Kate Bush, dans des refrains et un pont qui disent exactement ce qu’il est si précieux d’entendre lorsqu’on est perdu au fond du gouffre: « Je vois combien c’est difficile et douloureux, mais tu n’es pas seul, tu peux compter sur nous, et puis nous aussi nous comptons sur toi, c’est dur mais tu as des ressources, ça va passer, tu vas y arriver, tu en sortiras… » « It’s going to be alright / When times get rough, / you can fall back on us« ; « You’re not beaten yet » .

Tout le monde aurait besoin, quand les choses vont mal, de trouver du réconfort dans une longue et tendre étreinte avec un ange gardien solaire et doux comme Kate Bush.

« Don’t give up

’cause you have friends

Don’t give up,

you’re not the only one

Don’t give up,

no reason to be ashamed

Don’t give up Dont give up,

you still have us.

Dont give up,

we dont need much of anything.

Dont give up,

cause somewhere there’s a place

where we belong »

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