Il y a vingt-deux ans tout pile, j’étais papa pour la première fois.
Cette scène du film « Aprile » , la plus bouleversante peut-être que j’aie jamais vu au cinéma, décrit très exactement comment j’ai vécu cette expérience et le torrent extraordinaire d’émotions qui m’a alors traversé.
Nanni Moretti, lui aussi, vient de voir naître son premier enfant. Après des mois d’excitation et d’angoisse, il est en plein dans la magie et la stupeur de la découverte. Il sort de la Maternité pour se promener sur les quais de Rome, et tout son corps se met en mouvement: il fait d’amples moulinets de bras, il sautille, il court, il ralentit… La vie bouillonne en lui comme jamais, à tel point que la caméra doit s’écarter doucement de lui, comme pour lui laisser de l’espace, dans un lent et délicat travelling arrière; et en même temps elle prend de l’avance sur ses pas, comme pour souligner que le monde, soudain, est devenu plus vaste, qu’une nouvelle aventure commence, et qu’elle va être merveilleuse.
En même temps, le piano de Ludovico Einaudi ajoute une touche de douceur et de plénitude.
C’est exactement cela ce que je ressentais ce jour-là, il y a vingt-deux ans. Je me souviens très bien que dans les jours qui ont suivi la naissance de Dorian, j’avais la curieuse impression que les passants ou les passagers du tramway pouvaient deviner, rien qu’en me voyant, que j’étais en train de vivre les plus beaux moments de ma vie. Je me sentais alors la personne la plus importante du monde, rempli d’un immense sentiment de responsabilité.
Alors quand j’ai vu cette scène, des années plus tard, j’ai été estomaqué.
Et vingt-deux ans après, rien n’a changé. Quand je revois cette scène, quand je repense aux premiers moments de Dorian dans nos bras, à l’éblouissement qui nous a saisis alors, et au merveilleux jeune homme qu’il est devenu, je suis toujours aussi chaviré.
https://www.youtube.com/watch?v=p9z22j_Iz_Q
La photo ci-dessous, qui montre le quai sur lequel Nanni Moretti effectue ses moulinets de bras, a été prise par Dorian lui-même, lors d’un voyage à Rome…
