« Nothing compares 2 U » est un morceau qui a été écrit et composé par Prince pour l’un de ses projets parallèles, le groupe The Family. À l’époque où il est sorti, en 1985, ce titre est passé aussi inaperçu qu’un feuille A4 sur un champ enneigé, et après l’avoir écouté pour écrire cette présentation, je comprends pourquoi: je trouve cette version originale maniérée et grandiloquente, d’autant plus que Prince la chante d’une voix poussée… Pour être franc, je l’ai trouvée si agaçante que j’ai peiné pour aller jusqu’au bout (ce solo de sax, quelle plaie).
Par rapport à l’original, la reprise de Sinéad O’ Connor, sortie cinq ans plus tard sur le très bel album « I do not want what I haven’t got » , est tellement plus sensible, tellement plus à fleur de peau, tellement plus authentique, tellement plus passionnée, tellement plus poignante!
Le clip a beaucoup joué dans le succès de cette reprise, tant l’irlandaise s’y donne en exposant en gros plan son visage magnifique et virginal, mais décomposé et déformé par le chagrin et le désespoir. À chaque fois que je le vois, je suis saisi par l’intensité de son regard d’acier, par le mélange de fierté et de fragilité qui s’en dégage, notamment lorsqu’elle chante « I know that living with you babe was sometimes hard » , en secouant la tête comme si elle ne pouvait pas accepter ce qui lui arrive, et le « Nothing compares » qui suit…
Il paraît que lorsque Sinéad O’ Connor a émis le souhait d’interpréter cette chanson, une audition a été organisée dans le bureau du directeur de sa maison de disques, pour vérifier qu’elle lui convenait bien. Elle a alors chanté « Nothing compares 2 U » a cappella, et au bout de quelques secondes seulement, l’ensemble des personnes présentes dans le studio ont été bouleversées par l’émotion, les gorges se sont serrées et des larmes ont perlé. Quand Sinead a fini de chanter, elle était si décontenancée par ce qui venait de se passer qu’elle a alors demandé naïvement: « Était-ce si mauvais que ça ?«
Cette anecdote en dit beaucoup sur la différence entre la prétention de son altesse pourpre et la timidité et l’humilité de Sinéad O’Connor. Et pour moi, ce n’est pas un hasard si la reprise est largement supérieure à l’original. Contrairement à Prince, qui ne voulait pas écorner son image de sex-symbol en se donnant à voir autrement qu’en majesté, Sinéad y a mis tout son coeur, sans retenue, quitte à apparaître dans une vulnérabilité bouleversante – ce que la suite de son histoire a confirmé, malheureusement…
Alors que j’avais 25 ans, « Nothing compares 2 U » a plané un moment comme une ombre au-dessus de ma tête, à l’occasion d’une rupture amoureuse que j’avais tout fait pour provoquer, mais qui ne s’est pas révélée moins douloureuse pour autant… Et puis heureusement, la vie s’est chargée de me détromper: en réalité, le bonheur était devant moi et m’attendait avec un sourire à tomber par terre.
Grâce à cette expérience, je ne partage plus le pessimisme douloureux de cette chanson. L’heureuse surprise qui s’est présentée une fois, elle pourra se reproduire encore 😉
Cela dit, je reste toujours percuté par la puissance de ce texte, et par la voix à la fois désolée et farouche de Sinéad. Pour moi c’est une très, très grande chanson.
« I could put my arms around every boy I see
but they’d only remind me of you
(…)
’cause nothing compares, nothing compares to you »
Je mets le clip de Prince ci-dessous, au cas où vous auriez envie de découvrir la version originale.