J’écoute beaucoup Lomepal (découvert grâce à ma fille Aurore), et je suis très impressionné et admiratif de son évolution, d’abord en tant qu’artiste (ses deux derniers albums, « Jeanine » et « Amina » , sont magnifiques), mais aussi en tant que personne.
Voilà un jeune homme qui apprivoise petit à petit ses démons (il a gravement morflé durant son enfance), et qui trouve le courage d’exposer son coeur sur la table et de dire: « Ne vous fiez pas à l’impression de détachement ou de cynisme que je peux vous donner, en réalité je suis sensible et je crève de déposer la cuirasse et les armes. » Et il le fait. Venant d’un rappeur, cet affranchissement par rapport aux clichés du macho sûr de lui, cette espèce de reddition, sont particulièrement courageux et touchants (ces deux adjectifs vont souvent ensemble, je trouve).
[NB. Suite à cette chronique, nous avons malheureusement appris que Lomepal est accusé par plusieurs jeunes femmes de faits qui relèvent a minima de l’agression sexuelle, et c’est certain que cela jette un sacré voile sur ce qui précède…]
Cette chanson parle de solitude affective (« Cavalier seul depuis des années » ) , avec une ambiance musicale, un texte et une voix d’une mélancolie à tordre le bide, et en filant des métaphores aquatique (l’océan, la nage…), comme pour dire que Lomepal ne rêve désormais que d’une chose, c’est de se jeter à l’eau.
Lomepal se décrit en garçon qui, après avoir tenu les filles à distance en se jouant d’elles et en papillonnant de l’une à l’autre sans jamais s’investir (« Je baise avec des filles qui me font peu d’effet / Leurs dos nus, devant moi je me souviens jamais de leurs visages / Maintenant j’suis désolé qu’elles le sachent » ) , découvre que ce qu’il désire plus que tout, c’est « une âme sœur » (« Maintenant j’veux plus être dans l’eau tout seul » ).
Ce qui a fait basculer Lomepal, peut-être, c’est une rencontre. « Un soir d’été je crois que j’ai vu la bonne, nos âmes communiquaient » … L’histoire, cette fois-là, a été plus belle, plus complice et plus tendre: « On s’est reconnus dans l’océan, puis on est partis / s’embrasser loin des autres, juste elle et moi dans une barque, / sans heures sans réseau » .
Mais au petit matin, une fois que « les bouteilles vides ramènent à la raison » , la fille en question est « rentrée à la maison » , pour rejoindre « son vrai marin » .
Pour décrire le coup de poignard qu’il a alors ressenti, Lomepal utilise la métaphore de la nage: « Pour la rattraper j’ai nagé sans pause / comme si j’venais d’inventer le crawl / Je l’ai jamais revue / Quand j’y repense mon cœur bat comme Dave Grohl » (Dave Grohl était le batteur de Nirvana, d’où le titre assez mystérieux de cette chanson…)
Lomepal a cru que c’était la bonne, mais ce ne sera pas encore pour cette fois, et il peut donc ressasser ce bonheur à peine entrevu, au goût amer: « J’attends mon âme sœur… Mais c’est toujours la même journée… C’est toujours la même nuit… »
Gasp.
« Faut jamais oublier qu’une star ou un génie qui fait le mal
n’est rien d’autre qu’un homme seul.
Je veux juste une âme sœur,
pour oublier que j’ai mal,
pour oublier qu’en secret ma frayeur monte,
et que dès que je ferme les yeux,
mes cauchemars les plus sérieux
me poussent à quitter le vrai monde.
Endormi sur le fauteuil,
j’ai mis trois couvertures mais je caille,
pourquoi j’irais dans mon lit double
si je peux pas la prendre par la taille ? »