Voilà un clip hollywoodien, qui évoque le glamour et le mystère qui caractérisent les stars (les vraies, pas celles qui dansent sur TF1), avec une esthétique retro, des voitures aux longs capots qui glissent sur de larges avenues, des rangées de photographes et des flashes qui crépitent… et un côté glauque aussi, quand la star ivre titube en sortant de sa voiture.
En même temps, ce clip joue sur l’imaginaire du voyeurisme, puisqu’il est presque entièrement composé de bouts de films de famille tournés en super 8 (des jeunes couples qui plongent dans la piscine familiale ou qui se baladent en scooter), de reportages d’actualités usés par le temps, et de courts plans serrés où on voit Lana Del Rey chanter, habillée et coiffée comme dans les fifties, regardant le bas de l’écran comme dans la plupart des selfies. Tout cela donne l’impression qu’elle nous fait entrer dans son intimité (d’autant plus que c’est Lana Del Rey elle-même qui l’a réalisé). On dirait un reportage sur la vie de Jackie Kennedy…
L’alliance entre les deux est sacrément troublante. Et si j’ai commencé par décrire le clip, c’est parce qu’il n’a pas été pour rien dans le succès de ce magnifique tube pop.
Quant à la chanson elle-même, la voix de Lana Del Rey est empreinte d’une mélancolie un peu boudeuse (comme ses minauderies dans le clip), mais le texte est beaucoup plus enflammé, décrivant avec passion l’amour qu’elle éprouve. Là aussi le contraste est plus que troublant: elle feint la distance et la désinvolture, mais elle chante l’ouverture, et presque même la reddition vis-à-vis d’un homme qui ne la considère pas et qui la traite en objet, mais dont elle ne peut pas se détacher et à qui elle continue à s’offrir (on voit plusieurs fois une fleur s’ouvrir en accéléré, et la métaphore est assez explicite). Comme dans « Diet mountain dew » , et comme dans tout cet album peut-être, ce qu’elle chante ici, c’est « Baby you’re not goo for me / But baby I want you » .
Dire à la personne qu’on aime que la vie avec elle fait de cette Terre un paradis (« Heaven is a place on earth with you« ) , c’est quand même une sacrée déclaration…
Parmi les reproches qu’on a faits à Lana Del Rey, il y a le côté « fabriqué » , « sur-produit » par l’industrie du disque, l’érotisation du corps des femmes (les lèvres pulpeuses, les robes moulantes, les yeux de biche, les moues affectées…) C’est sans doute vrai, mais je crois que c’est elle qui est aux commandes de ce recyclage des codes du rêve hollywoodien, et elle y parvient pour mon plus grand plaisir. Et pour le votre ?
« They say that the world was built for two,
only worth living if somebody is loving you
And, baby, now you do
(…)
It’s you, it’s you, it’s all for you,
everything I do
I tell you all the time,
heaven is a place on earth with you »