Il y a quelques semaines, deux de mes amies FB (elles se reconnaîtront) ont plaisanté sur le fait que ma playlist pourrait parfois convenir à leur fille de 10 ans. Ce soir il se pourrait que je leur donne raison 😉
C’est une chanson que j’aime d’autant plus écouter qu’elle me donne la joie de penser à Aurore, qui apprécie beaucoup Mika (« beau gosse » + « jolie voix » + « gentil » > elle est fan, et ma foi ce ne sont pas les pires des critères).
Cette chanson me plaît aussi pour l’intense timidité qu’elle exprime, et qui me tenaillait aussi à l’adolescence. La mélodie qui s’élance rapidement vers les aigus, puis qui redescend, illustre joliment les élans qui naissent dans les coeurs et dans les têtes, mais qui s’interrompent ou s’essoufflent quand il s’agit de les traduire en mots et en actes.
J’apprécie enfin cette chanson parce que le texte me fait penser à une très émouvante scène d’un film générationnel d’Eric Rochant, « Un monde sans pitié » .
Dans cette scène, Hippolyte Girardot emmène Mireille Perrier sur un toit de son immeuble, pour admirer les lumières de la Tour Eiffel et pour l’épater en claquant des doigts pile au moment où elles s’éteignent.

Il lui décrit alors la vie nocturne des amoureux qui profitent de la pénombre pour se rejoindre et s’aimer: « Quand les monuments s’éteignent, y a des gens qui montent sur les toits et qui font la fête. Ils attendent tapis sous les vasistas dans les mansardes, et quand l’obscurité retombe sur Paris, quand le Panthéon, la Tour Eiffel, le Sacré-Coeur s’éteignent, ils sortent peu à peu et envahissent en silence les balcons. Ils montent aux échelles, se pendent aux paratonnerres et aux antennes. Ils font des glissades le long des pentes d’ardoise. Ils courent sur les corniches. Ils enjambent les parapets et sautent au-dessus des ruelles. Derrière les cheminées, ils s’embrassent, et quand il fait bon, ils font l’amour sur les terrasses. »
Mireille Perrier, interdite et sous le charme, dit avec une voix surprise: « Je n’aurais jamais imaginé que tu fasses de la poésie » .
Et Hippolyte enfonce alors le clou: « Je suis prêt à tout, tu vois » .
Pour ma part je n’aurais pas répondu comme Hippolyte. Être prêt à tout pour plaire, ce n’est pas trop mon genre.
Et d’ailleurs je n’aime pas trop qu’on « fasse » de la poésie, et je ne lis quasiment jamais de poètes, sauf lorsque leur écriture est limpide (Jacques Prévert plutôt que René Char, sans la moindre hésitation).
Ce que j’adore, en revanche, c’est quand la poésie surgit sans qu’on s’y attende, et même sans qu’on l’ait voulu, à la faveur d’une phrase, d’une mélodie, d’une silence, d’un paysage, parfois simplement d’un mot, d’une expression du visage, d’un regard pensif, d’un geste, d’un soupir… Dans ma petite définition personnelle, la poésie n’est pas un genre littéraire, c’est le surgissement soudain et inattendu d’une émotion, d’une impression de charme, de fragilité, de douceur, de nostalgie, de beauté…
Mais retour à la chanson de Mika. Voici les mots qui me touchent le plus, car ils décrivent avec une grande délicatesse l’éternelle difficulté à se déclarer:
« Y’a des baisers qui s’perdent,
des baisers qui rêvent d’être volés,
qui n’ont jamais osé
aller se poser.
(…)
Où s’en vont-ils,
ces baisers qui se perdent
quand tu es devant moi ? »