Casseurs Flowters – « Inachevés »

Au-delà d’un certain âge (pas très vieux), le nom de Casseurs flowters ne dit pas forcément grand-chose à grand monde, à moins que vous ayez des ados à la maison. Si je vous dis que c’est un duo formé par deux amis caennais, Gringe et Orelsan, ça sera peut-être déjà plus parlant pour vous (si à « deux amis caennais » vous avez pensé à Bouvard et Pécuchet, bravo pour la culture littéraire 👏)

En 2015, les Casseurs flowters ont sorti un film intitulé « Comment c’est loin » , dont la BO est devenue leur second album, avec le même titre. Elle contient quelques jolies réussites, dont le très drôle « À l’heure où je me couche » (« L’avenir à appartient à ceux qui s’lèvent à l’heure où j’me couche… » 😅), « J’essaye, j’essaye » … et « Inachevés » .

Le film et la BO racontent la vie de deux jeunes losers qui ne réussissent rien, qui à vrai dire n’essaient rien, et dont la morne vie se résume à « faire des tours » sur le périph de Caen, en ville ou à la FNAC. C’est une vie qui n’en est pas vraiment une, plutôt une survivance prolongée. Une vie désoeuvrée, sans grand intérêt, dans laquelle on passe les heures à les passer, mais « jusqu’à quand ? » (comme le demande quelque part Fernando Pessoa), on enchaîne les jours sans qu’aucun d’entre eux n’ait plus de sens que les précédents.

Mais un jour, un déclic fait basculer la vie de Gringe et Orelsan: mis au pied du mur par un défi que leur lance un producteur (écrire une chanson en une journée, sans quoi il cessera de soutenir leur projet musical), ils vont se mobiliser et découvrir l’envie de se réaliser et le courage de se retrousser les manches pour donner vie à leurs rêves.

Si cette chanson est connue, c’est en partie grâce au clip, un étonnant et très réussi plan-séquence de près de quatre minutes, assez virtuose dans la mise en scène et les mouvements de caméra, et qui résume à la fois le film et la vie du duo.

Ce clip commence par une « ode à la flemmardise tranquille » (M) et à la loose attitude: allongés sur une route de campagne déserte, Orelsan et Gringe se laissent porter, le premier sur un canapé et par un groupe de fans, et le second par un chariot élévateur. Pendant plus de deux minutes, l’un et l’autre racontent leurs échecs, leurs tentatives velléitaires, leur propension à tout remettre à plus tard, à tout laisser en plan, et à s’engluer dans une vie plus ennuyeuse de jour en jour.

Et puis à la faveur d’un accident de voiture, qui leur fait toucher du doigt la brièveté et la fragilité de l’existence, tout change, et la dernière minute de la chanson exprime un vif désir de faire en sorte que les jours et les heures comptent. Gringe et Orelsan se mettent à courir côte à côte pour rejoindre la caméra qui les attend. Leurs regards comme leur diction se font de plus en plus intenses et déterminés, et pour finir ils accélèrent brusquement pour laisser cette caméra derrière eux.

Et la vie commence, enfin.

« À partir de maintenant j’commence mon ascension

J’ai plus peur du vide, d’affronter la spirale sans fond

Donc j’arrête d’arrêter, j’abandonne l’abandon

Et c’est la première mesure de ma vie d’après

(…)

Si la mort frappe à ma porte, me dit «t’es dans mes p’tits papiers»,

dis-lui de revenir après, dis-lui d’jarter, dis-lui d’venir backer

Ou laisse-moi lui dire «ferme ta gueule j’ai pas fini d’rapper»

J’partirai jamais en laissant l’histoire inachevée »

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