Après « The river » il y a quelques mois, voici un deuxième extrait du double vinyle culte du boss. Il s’agit d’un de ses premiers tubes, à tel point qu’il a pris l’habitude, en concert, de laisser le public chanter seul le premier vers (« Got a wife and kids in Batlimore, Jack… » ) , puis les refrains.
« Hungry heart » raconte l’histoire d’un homme saisi par le démon de midi, qui part à l’aventure à tous les sens du terme, qui la vit à fond, à coeur et à corps perdu, mais qui pour finir se rend compte que ce dont il a besoin, au fond du fond, c’est de la chaleur et de l’intimité rassurante d’un foyer, avec les siens.
Cet homme, ce pourrait être n’importe qui. Springsteen expédie son portrait en une seule ligne: il a « une épouse et des gosses » , il vit à Baltimore, et basta. Pas besoin de savoir s’il est mécano, prof ou boulanger, s’il est blanc ou noir, s’il est catho, protestant ou bouffeur de curés, puisque cette histoire pourrait être celle de n’importe qui.
Un beau matin, cet homme se réveille avec l’envie de faire son sac et de partir, sans savoir où son errance le mènera (« I went out for a ride and I never went back / like a river that don’t know where it’s flowing« ) . Peut-être a-t-il senti tout de suite que c’était une erreur et qu’il la paierait peut-être très cher (« I took a wrong turn » ) ? Mais une fois qu’il a commencé à répondre à l’appel du large, c’était de toutes façons trop tard pour faire demi-tour (« I just kept going » ).
L’aventure a mené cet homme à Kingstown, en Jamaïque. Il y a rencontré une fille dans un bar, ils sont tombés amoureux, mais il savait dès le début que ça ne durerait pas (« We fell in love, I knew it had to end » ). Peu importe, l’heure était à profiter du moment avant qu’il passe, avant que ces amants se déchirent.
C’est à ce moment là que cet homme raconte son histoire: « Now here I am down in Kingstown again. » Il a tiré les leçons de ce qui lui est arrivé: l’aventure a été excitante et belle, sans doute a-t-il eu l’impression de se sentir à nouveau vivant et vibrant, mais au final il se sent toujours aussi seul, et son besoin de relations intenses et nourrissantes est peut-être encore plus vif qu’avant de quitter sa famille, Baltimore, ses amis et son travail. Il doit bien se rendre à l’évidence: il a besoin d’un endroit pour se poser, il a besoin de son home sweet home, et si ce besoin est à ce point vif, c’est notamment parce qu’il n’est pas fait pour vivre en solitaire.
Mais au fond, qui l’est ? « Nobody like to be alone. »
Le rythme martelé par des accords de piano, dans l’intro puis les refrains, dit bien les emballements du coeur, aux deux temps de cette histoire – quand l’appel de l’aventure semble offrir une seconde chance ou une nouvelle vie, mais aussi quand la leçon s’impose: au fond, nous sommes toutes et tous affamés d’amour, et du moment qu’il est bien présent, peu importe que le reste nous fasse défaut.
« Everybody needs a place to rest
Everybody wants to have a home
Don’t make no difference what nobody says
Ain’t nobody like to be alone
Everybody’s got a hungry heart
Everybody’s got a hungry heart
Lay down your money and you play your part
Everybody’s got a h-h-hungry heart »