Santigold – « Disparate youth »

Comment formuler « OK boomer » en chanson ?

Voici un très bon exemple avec Santigold (pseudo de Santi White), une jeune autrice, compositrice et interprète américaine qui a commencé dans la musique comme productrice avant de se lancer elle-même (un parcours assez rare).

Santigold a la tête bien faite (diplômée de la Wesleyan University en musique et études afro-américaines), assez pour savoir que le monde qu’on laisse à la jeunesse est détraqué, dangereux, effrayant. Les premiers mots de cette chanson sonnent comme un slogan collapso: « Don’t look ahead, there’s stormy weather » .

Elle a également un sacré sens du rythme, comme en témoigne « Disparate youth » , dont j’aime beaucoup la pêche assez impressionnante.

En anglais, « disparate » désigne quelque chose qui est dépareillé, qui n’est pas en accord ou en harmonie, qui tranche avec ce qui l’entoure.

De fait, « Disparate youth » est une chanson qui dépote, qui réveille et bouscule, et d’abord par sa musique: une intro électro assez brusque, des riffs de guitare teigneux qui sonnent comme de brèves décharges électriques, une ligne de basse vigoureuse, des percussions frénétiques, des accords martelés au piano pendant les refrains… Musicalement, ça télescope le rock, la pop, l’électro, le hip-hop, le dub, le punk, etc., dans ce que les Inrocks ont appelé « une centrifugeuse amphétaminée » . Santigold a dit elle-même qu’elle compose comme elle s’habille, en mélangeant tout au gré de ses envies et de ses humeurs, même ce qui (en théorie) ne va pas très bien ensemble. Du coup c’est un peu bordélique, ou disons bigarré, mais qu’est-ce que c’est libre et vivant!

Le texte n’est pas en reste pour ce qui est de bousculer, puisqu’il parle de « struggle for life » (« We know now we want more / Oh ah, oh ah / Our lives worth fighting for » ) , et d’appel au combat, voire à la révolte, contre ses devanciers. C’est la chanson d’une jeunesse qui rue dans les brancards.

Les générations anciennes, assises, éteintes (« They’re frozen to the core » ) , veulent la regarder se faner ? Elles tentent de lui briser les ailes, de la maintenir sous leur contrôle, de la forcer à endosser leur héritage si lourd et si encombrant ? Pas question pour la jeune génération de se laisser faire: « So let them say we can’t do better / Lay out the rules that we can’t break / They wanna sit and watch you wither / Their legacy’s too hard to take » .

« Disparate youth » parle d’une jeunesse qui refuse d’enterrer ses rêves et de se laisser dicter son avenir, qui veut en assumer la pleine et entière responsabilité, et qui se dresse pour affirmer ses droits, ses projets et ses valeurs, et qui fera le nécessaire pour y arriver, quel que soit le chemin qu’il lui faudra prendre. De fait, elle répondra à la tempête par la tempête… mais Santigold proclame que c’est le seul moyen pour retrouver ce que ces gens fatigués ont perdu ou laissé se perdre (« we push right past to find out / how to win what they all lost » ).

Disparate, donc, mais pas desperate 😉

« Oh, we said our dreams will carry us

And if they don’t fly we will run »

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