Get well soon – « Prelude »

Voilà un groupe allemand méconnu et au nom bizarre (que l’on peut traduire par « Prompt rétablissement » , sous la forme d’un souhait, mais je préfère interpréter la formule comme un message d’encouragement et de confiance, sur le mode « Je suis sûr que ça pourra bientôt aller mieux pour toi » ).

Le titre de l’album sur lequel figure cette chanson, le premier du groupe, est non moins déroutant (« Rest now, weary head! You will get well soon » ). Et il en va de même pour le texte du morceau, qui se résume… au titre de l’album, justement! Je ne sais pas si tout cela relève de la coquetterie, d’une cérébralité excessive, ou d’un désir un peu adolescent de se singulariser, et à vrai dire je m’en moque un peu: je me contente de savourer.

Le groupe est emmené par Konstantin Gropper, dont l’influence est telle qu’en réalité c’est un projet personnel, dans lequel il a simplement invité des musiciens issus de son cercle familial et amical.

Konstantin Gropper a eu pour père un professeur de musique, il a commencé à jouer du violoncelle dès l’âge d’un an (!), il a suivi une formation musicale très complète à partir de six ans (piano, violoncelle, batterie et guitare), il a joué dans un groupe punk et grunge quand il était ado… Fort de ces diverses expériences musicales, il compose une musique subtile, richement travaillée et orchestrée, à la croisée d’influences très variées (pop, rock, folk, punk, classique, musiques traditionnelles – notamment celle des Balkans –, musiques de films – notamment Morricone, clin d’oeil pour toi Popa Anca…), soutenue par des instruments très variés (guitares, batterie, cuivres, violon, piano, banjo, accordéon…).

Gropper compose, joue et chante une musique qui est tour à tour (et parfois tout à la fois) intellectuelle et sensible, rythmée et élégante, démesurée et intime, ambitieuse et réservée. Toutes les facettes de l’âme humaine, comme j’aime. Loin de se reposer dans les standard de la pop mainstream, loin de produire paresseusement quelque chose en espérant que ça va cartonner puisque « c’est ce que les gens veulent écouter en ce moment » , il donne le meilleur de lui-même, il offre toute la richesse et la créativité qu’il a en lui. Comme il l’a lui-même écrit sur le verso de la pochette de l’album « Vexations » , « I tried my very best to make this music loveable » . On peut le remercier pour cette ambition et pour ce respect qu’il manifeste à l’égard du public.

Si je choisis de mettre en avant ce morceau, c’est d’abord bien sûr parce que je l’aime beaucoup musicalement. La façon dont Konstantin Gropper organise l’entrée en scène progressive des différents instruments est assez magistrale. C’est d’abord un carillon qui résonne sur des notes de synthé tremblantes. Puis la voix, qui scande deux fois les seules paroles de la chanson, avec une diction précise. Et puis après une mise en tension progressive, les vannes s’ouvrent soudain, à 1’21, pour que déferlent en plus les guitares rock, la batterie, la trompette, les choeurs, etc., avec ce « Rest now, weary head! You will get well soon » qui revient plusieurs fois, comme un mantra. La chanson explose en apothéose, avant que le calme revienne et que le carillon sonne à nouveau quelques coups délicats pour nous ramener sur terre et nous laisser reprendre notre souffle.

Cette chanson, c’est donc deux morceaux en un: une première partie calme et mystérieuse, et une deuxième enlevée et festive, avec dans les deux cas des arrangements soignés et classieux. C’est une espèce de baroque’n’roll (© 😎 ), introspectif et symphonique. Je suis aux anges.

Ce que j’adore aussi dans cette chanson, ce sont aussi les mots chantés par Konstantin Gropper, rares et précieux.

Moi qui éprouve tant, et avec de plus en plus d’acuité, le besoin d’affection et de soutien, et qui ressens de mieux en mieux combien beaucoup de mes proches crèvent littéralement d’en manquer, je suis profondément touché par ce court message, qui met puissamment en musique ce que peuvent offrir de mieux des bras et un coeur réconfortants: « Je vois bien que c’est difficile pour toi, mais je t’en prie, ne te laisse pas trop happer et plomber par ta lassitude, ta peine ou tes douleurs, repose-toi, prends bien soin de toi… et comme je suis certain que tu as en toi bien des ressources, ça ira mieux bientôt. »

Si j’adore cette chanson, c’est parce qu’elle me fait un bien fou, tout simplement.

« Rest now, weary head! You will get well soon »

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