La tristesse qui dure et qui dure encore et encore, même au coeur de l’été… « Summertime sadness » est un titre de circonstance, non pas pour moi, mais pour une personne qui m’est très chère et qui traverse une période très tourmentée et douloureuse. Je l’aime jusqu’au ciel, et je me sens si désolé pour elle, et si démuni pour lui venir en aide… 😢
Même si je le trouve un petit peu inégal et monocorde, j’écoute assez souvent le troisième album de Lana Del Rey, « Born to die » , que j’apprécie pour l’expression de mal-être pleine de lyrisme qui court de chanson en chanson (« Everytime I close my eyes, / it’s like a dark paradise« ). Il représente presque un précipité, au sens chimique du terme, de ce que certains appellent le « sadcore » , à savoir un genre musical caractérisé par des mélodies et des paroles poignantes, jouées sur des tempos lents.
Pour certains, ou à certains moments, « Born to die » est le genre d’album dépressif qu’il vaut mieux ne pas mettre dans la platine si on se sent déjà un peu patraque, au risque de s’enfoncer encore davantage. Pour d’autres, ou à d’autres moments, c’est plutôt un album qui réconforte, qui donne le sentiment qu’on n’est pas seul à éprouver tout ça, et qui peut même donner l’envie de pousser fort du pied au fond de la piscine pour remonter à la surface.
Quel effet ça me fait ? Eh bien « ça dépend » (clin d’oeil pour les personnes qui ont lu mon livre sur la permaculture ou assisté à une de mes conférences). Mais quoi qu’il en soit, je trouve cet album très réussi. Lana Del Rey est une diva pop, avec tout ce que ça comporte de démesure et de facilité parfois, mais son lyrisme et sa voix la rendent capable de percuter au plexus n’importe quel quidam au moment où il vit les mêmes affres que ceux qu’elle raconte en chanson.
Sur le plan musical, c’est de la pop mâtinée d’un soupçon de trip-hop (cordes et boîte à rythmes sont très présentes), avec une production très soignée. Il y en a pour trouver ce mélange un peu facile, personnellement je le trouve agréable et élégant. Les mélodies sont inventives, les morceaux (notamment celui-ci) sont riches et sinueux…
Et puis je suis très touché par la voix de Lana Del Rey, boudeuse et hautaine, traînante et paresseuse, parfois un peu nasillarde, mais le plus souvent suave et lascive… La sirène a un timbre et une diction envoûtants, et comme en plus elle est pulpeuse comme c’est pas permis, comment résister à son chant ? Il y a quelque chose de troublant dans l’art avec lequel cette affolante créature feint d’être un objet sexuel pour mieux attirer et emmailloter dans ses filets délicieux.
Bref, Lana Del Rey est ravisseuse autant que ravissante – ou si elle me ravit, c’est au double sens du mot 😉
J’ai eu un peu de mal à choisir un deuxième titre de cet album (après « Video games ») , avec un match serré entre « National anthem » , « Dark paradise » , « Off to the races » et « Summertime sadness »… C’est cette dernière qui l’a l’emporté – mais entre tous ces morceaux il n’y avait pas la ligne droite de Longchamp.
Le titre, « Summertime sadness » , prête à confusion. Non, il ne s’agit pas d’une chanson légèrement mélancolique sur la nostalgie des vacances à la plage: c’est une évocation de l’homosexualité et du suicide. Lana Del Rey chante l’excitation et le malaise de deux jeunes femmes qui sont irrépressiblement aimantées l’une par l’autre (« Honey, I’m on fire, I feel it everywhere« ) , mais qui sentent que cet amour est impossible ou voué à l’échec, qui devinent qu’elles auront du mal à supporter la vie l’une sans l’autre (« Think I’ll miss you forever / like the stars miss the sun in the morning sky« ) , et qui préfèrent dès lors mettre fin à leur vie (« I know if I go, I’ll die happy tonight« ).
On ne sait pas bien si tout cela correspond à un souvenir réel ou si c’est un fantasme – et d’ailleurs le clip, qui partage avec celui de « Video games » un esthétique rétro et vintage, suggère lui aussi plus qu’il ne décrit de façon précise (on voit des oeillades et des moues dédaigneuses, des doigts qui se crispent sur une jupe pour la soulever légèrement, des bras qui s’écartent en haut d’un pont, mais on n’en saura guère plus).
Ce qui est certain en tous cas, c’est que l’ensemble, musique + voix + paroles + clip, est sacrément hypnotisant.
« Kiss me hard before you go
Summertime sadness
I just wanted you to know
that baby, you the best
I got that summertime, summertime sadness »