Beck – « Everybody’s gotta learn sometime » (BO de Eternal sunshine of a spotless mind »)

C’est sur un album de The Korgis (« Dumb waiters » ) , sorti en 1980, que figure la version originale de cette chanson ultra connue, un slow d’enfer au pont torride, sur lequel bien des ados se sont lancés en laissant glisser une main vers le bas d’un dos, ou en appuyant juste un tout petit peu plus une joue sur une épaule.

À l’époque, j’étais encore bien jeune pour écumer les boums du mercredi aprem avec le coeur battant et les mains moites (je ne l’ai d’ailleurs jamais fait, car j’étais bien trop timide et complexé pour cela). C’est peut-être pour cela que c’est aujourd’hui une chanson qui me plaît assez, mais sans plus: elle ne s’est pas imprimée dans ma mémoire de jeune garçon, comme ont pu le faire d’autres slows plus récents et encore plus sirupeux (« The power of love » de Frankie goes to Hollywood, « I want to know what love is » de Foreigner, « Everytime you go away » de Paul Young…)

Je préfère très largement cette version chantée par Beck, parce qu’elle est bien plus dépouillée et parce qu’elle accentue la dimension mélancolique, désabusée et désolée de cette chanson.

Et puis l’autre raison pour laquelle j’aime « Everybody’s gotta learn sometime » dans cette version de Beck, c’est qu’on l’entend dans « Eternal sunshine of a spotless mind » de Michel Gondry, qui est pour moi LE film romantique par excellence, LE film sur l’amour que l’on s’obstine à essayer de faire renaître de ses cendres envers et contre tout, même si on devine que c’est sans doute peine perdue.

Dans ce film émouvant, intelligent et drôle, qui rend bien pâlottes toutes les autres comédies romantiques (un genre que pourtant j’aime beaucoup), Michel Gondry propose une réflexion tendre et déjantée sur ce qui se passe dans l’esprit d’un vieux garçon mélancolique, taciturne et maladroit, lorsqu’il constate que sa chérie s’est payé les services d’une société spécialisée dans l’effacement des souvenirs amoureux, et qu’elle lui a expressément demandé de ne plus entrer en contact avec elle. Va-t-il à son tour, par dépit ou par bravade, demander à cette même société de faire disparaître cette femme de sa mémoire, ou bien va-t-il lutter pour sauver et réactiver le lien qu’elle a décidé de supprimer ? Et son coeur va-t-il accepter de se plier à la décision de son cerveau ?

Le jeu sur la temporalité, la construction astucieuse et subtile de l’histoire, les trouvailles de mise en scène, font de ce film un véritable bijou, d’autant plus qu’il est porté par un Jim Carrey étonnamment sobre, et par une Kate Winslet au charme craquant. Ces deux personnages sont foldingues, ils sentent qu’ils ne peuvent peut-être pas s’aimer dans la durée, mais comme ils sont assez fous pour essayer de relever le défi, qui sait ce qui peut arriver…

La reprise de Beck décrit tout à fait l’état d’esprit de cet amoureux transi et désorienté, dont on espère à la fin du film qu’il aura compris et retenu la leçon: on ne badine pas avec l’amour, et quand on a la chance de le tenir entre ses mains, c’est un trésor bien trop précieux pour courir le risque de le laisser dépérir.

« Change your heart

Look around you

Change your heart

It will astound you

I need your loving like the sunshine

And everybody’s got to learn sometime

Everybody’s got to learn sometime

Everybody’s got to learn sometime »

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