The Tindersticks – « Yesterdays tomorrows »

Il y a quelques mois, j’avais partagé dans cette playlist la merveilleuse, mystérieuse et ensorcelante intro instrumentale du septième l’album des Tindersticks, « The hungry saw » .

Voici le morceau qui suit immédiatement cette intro. Notre attention a été captée, et nous pouvons être saisis et ravis par ce titre qui compile le meilleur de ce groupe classieux et légèrement suranné (plutôt costard et chapeau de feutre que jean & baskets), qui se moque pas mal de faire moderne ou ringard, et qui est toujours guidé par une idée toute bête: offrir à chaque album une musique élégante et belle, tout simplement.

Les Tindersticks ont d’abord été un groupe fourni (six musiciens), dont les albums ont été salués par la critique (le premier a été désigné « meilleur album de l’année » en 1993 par le magazine Melody Maker). Après avoir constaté que l’inspiration et l’envie de jouer ensemble s’était un peu essoufflée, le groupe a fait une pause pendant quelques années, avant de se reformer en 2006 sous la forme d’un trio, et de revenir en 2008 avec cet album splendide, « The hungry saw », gravé en seulement huit jours et avec dix musiciens invités dans leur studio de la Creuse – eh ouais, la vie culturelle du Limousin est plus riche qu’on le croit souvent à Paris.

Si vous ne connaissez pas ce disque, je vous le conseille très, très vivement.

La marque de fabrique des Tindersticks, que ce soit dans l’ancienne ou la nouvelle formule, c’est d’abord une pop élégante qui, en plus des guitares, de la basse et de la batterie, s’ouvre à l’orgue synthétique et fait aussi la part belle aux instruments de l’orchestre symphonique (ici un piano discret, des cuivres toniques et une flûte légère). Ce groupe illustre typiquement ce que certains appellent la « chamber pop », à savoir une musique intimiste et romantique, soigneusement arrangée, à la jonction entre la pop, le classique et le jazz, et qui donne le frisson.

Les Tindersticks, ce sont ensuite des mélodies ciselées et aériennes qui s’apparentent souvent à des complaintes, avec un groove lent et langoureux.

Et puis des paroles marquées par une mélancolie subtile (qui fend le coeur en effet, comme le laisse entendre la pochette de l’album), et par un humour décalé, so british (le groupe est originaire de Nottingham).

Et enfin c’est la voix de crooner de Stuart Staples, grave et chaleureuse, un peu désabusée, ici ou là fêlée par un léger trémolo, et qui en tous cas est à faire se pâmer les midinettes.

J’adore cette musique cotonneuse, qui donne envie de se calfeutrer sous la couette à la nuit tombante, de se laisser bercer et de se glisser dans une rêverie délicieuse.

Tout cela est particulièrement vrai sur « Yesterdays tomorrows » , que d’aucuns ont décrit fort à propos comme une sorte de reggae mélancolique (sans doute du fait des coups brefs de guitare et de tambourin qui scandent le morceau tout du long). Les Nottingham lads prouvent ici qu’ils ont retrouvé le feu sacré: leur musique est plus irrésistible, plus soyeuse, plus sensible et plus sensuelle que jamais, et ils planent loin au-dessus de la production musicale banale qui est déversée en grande série par l’industrie musicale.

Et puis j’aime aussi les paroles, qui semblent appeler à inviter le passé dans le présent (comme Marcel Proust s’arrêtant subitement alors qu’il vient de croquer dans une madeleine), et plus encore le titre du morceau, habité par une foi précieuse: hier a été radieux et jubilatoire, mais les lendemains pourront l’être aussi. Si seulement ça pouvait être vrai.

« Ah, those days, those days where did they go ?

They shuffled through our doorways.

Are they here ?

(…)

And still we try

to reach for what has gone behind,

but they’re here. »

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