« Knockin’ on Heaven’s Door » est parue en 1973 sur la BO du western de Sam Pekinpah « Pat Garrett and Billy the Kid », dans lequel Bob Dylan lui-même interprète un personnage assez énigmatique nommé Alias. Le choix paraît a priori plutôt cohérent du point de vue musical: l’une de ses influences est la country, un style qui puise précisément ses sources dans la « Western music » .
Pari gagné, haut la main: « Knockin’ on Heaven’s Door » est l’une de mes chansons préférées du grand Bob.
Dans le film, elle intervient lorsque le shérif se meurt. Sentant la fin arriver sous la forme d’un grand nuage noir (« That long black cloud is coming » ) , il comprend qu’il n’aura bientôt plus besoin ni de ses revolvers, ni de son étoile, d’où la prière à sa mère pour qu’elle l’en débarrasse (« Mama, take this badge off from me / I cant’ use it anymore (…) Mama, put my guns on the ground » ).
Cet homme ne sait pas où il va ni ce qu’il l’attend, et il a beau chercher à l’apercevoir, il ne distingue plus rien (« It’s getting dark, too dark for me to see« ). Ce que vit alors le shérif, c’est sans doute un moment de grand désarroi, de grande fatigue… mais pas de peur, semble-t-il. Puisqu’il n’a plus aucune chance de survivre (« I can’t shoot them anymore » ) , il décide de ne plus se battre, s’accepter son sort et de se laisser glisser dans la mort. Et puisqu’il est croyant, puisqu’il pense avoir plutôt fait le bien dans sa vie, il s’en va « frapper à la porte du paradis« , espérant qu’on la lui ouvre.
Bob Dylan a chanté cette chanson d’innombrables fois en concert, et c’est sans doute celle qui a été la plus souvent reprise, dans des styles extrêmement différents (par exemple j’aime bien la relecture qu’en ont donnée les Gun’s roses).
Mais pour moi rien ne vaut la magnifique version originale avec des chœurs aux légers accents gospel. Le batteur Jim Kelner a raconté plus tard que pendant la session d’enregistrement de cette chanson, il était tellement ému qu’il a pleuré en jouant sa partie…
« Knockin’ on Heaven’s Door » est une chanson très profonde et qui fait infiniment plus que simplement mettre en musique les derniers instants d’un shérif aux termes d’une banale fusillade. Dans un texte très bref (deux couplets de quatre vers et un refrain qui se résume à une phrase répétée encore et encore), extrêmement simple et limpide, Dylan évoque la quête de paix et d’accomplissement spirituel qui est le propre de l’humanité.
Or il n’est nul besoin d’être mourant pour « frapper à la porte du paradis » . Chacune et chacun d’entre nous, avec ses ressources, ses passions, ses compétences et ses qualités, le fait tout au long de sa vie, en essayant d’élever du mieux possible ses enfants, de faire du bien autour de soi, de faire correctement son travail, d’honorer le dieu auquel il croit, de laisser un monde pas trop dévasté aux générations futures, de protéger ce qui mérite de l’être…
Ou bien en essayant de composer et de jouer une musique qui reste ancrée dans les mémoires et dans les coeurs.
Chacune et chacun d’entre nous, j’imagine, s’est au moins demandé une fois en pensant à ses derniers instants: « Si jamais le paradis existe, est-ce que j’y aurai ma place ? Est-ce qu’il y aura quelqu’un pour m’assurer, comme Jésus sur la Croix disant au larron repentant « Aujourd’hui tu seras avec moi au paradis » ? »
Pour ma part, je ne crois ni en Dieu, ni au paradis, ni en la réincarnation. Mais je crois très fort, et de plus en plus fort, qu’une vie qui a du sens, c’est une vie que l’on passe à toquer à la porte du paradis. Ou mieux encore, c’est une vie que l’on passe à essayer d’être du côté des bâtisseurs de paradis.
Quand je plante et je bichonne des arbres ou des fleurs, quand je me réjouis de voir se multiplier les papillons, les mésanges, les lézards verts ou les hérissons, quand je vois des gens que j’aime heureux de venir et de revenir dans ce qu’ils appellent eux-mêmes « ton paradis », je sens bien qu’au fond, c’est ce que j’essaye de faire.
« Mama put my guns in the ground
I can’t shoot them anymore
That cold black cloud is comin’ down
Feels like I’m knockin’ on heaven’s door
Knock-knock-knockin’ on heaven’s door »