The Notwist – « Consequence »

Aujourd’hui, je partage encore une de mes chansons d’amour préférées, une merveille de mélancolie et de sensualité.

Notwist est un groupe de rock indé bavarois apparu dans les années 1990, et qui a connu deux visages.

Dans une première vie, ses albums étaient marqués par le punk et le metal. Mais en 1997, l’arrivée de Martin Gretschmann au sein du groupe a totalement transfiguré sa musique, qui est devenue un mélange de pop, de musique électro, d’ambient music, de jazz, et de bien d’autres styles musicaux encore.

Notwist première période, c’était beaucoup de bruit et des muscles saillants.

Notwist deuxième période, c’est beaucoup plus cérébral et sensible: la tête et le coeur ont pris le pouvoir et s’expriment de façon bien plus délicate et subtile.

Sorti en 2002, l’album « Neon Golden » a été encensé par la critique et par des groupes comme Radiohead (rien que ça), ce qui a permis à Notwist de conquérir à la fois une belle reconnaissance et une petite notoriété.

C’est un album sombre, sensible et mélancolique, mais qui reste illuminé par de magnifiques et méticuleux arrangements. Fondamentalement, le disque est ancré dans la musique électronique, avec une orgie de samples (le travail de post-production a été très long), mais il fait de nombreux emprunts au rock, au jazz (notamment sur « Off the rails ») , parfois même à la « musique du monde » (le banjo de « Raining days »). Le tout avec un éclectisme, une subtilité et un raffinement jamais pris en défaut.

La très grande classe, vraiment.

Sur « Neon golden », plusieurs titres sortent du lot, par exemple le dansant « Pilot » (qui évoque New Order), le très entraînant « Pick up the phone », ou le superbe « This room », qui devrait plaire aux fans de Radiohead.

Ma (toute petite) réserve est que sur la durée, l’omniprésence de l’électronique et des boîtes à rythmes donne parfois un son un peu froid et désincarné. J’aime quand je sens qu’un artiste se jette à corps perdu dans son œuvre, avec ses tripes, et chez Notwist il y a une réserve que je trouve un tout petit peu dommageable. Je voudrais un soupçon supplémentaire de chair et de souffle.

Leur album suivant, « The devil, You + me », a été moins acclamé, mais il me paraît plus ambitieux de ce point de vue. Le groupe a ici fait le choix d’inviter un orchestre à cordes berlinois qui joue aussi bien du classique que du jazz, et je dois dire que ça me convient encore mieux.

Cela dit, sur « The devil, You + me », il n’y a pas de pépite aussi fantastique que « Consequence » .

Placée tout à la fin de « Neon golden », cette chanson est d’une totale perfection, dans la construction (quatre mesures avec un sample au synthé qui tourne en boucle et une boîte à rythme, puis quatre mesures avec en plus le piano et la guitare, etc.), dans la mélodie, dans le rythme, et dans le texte énigmatique, romantique et merveilleusement poétique…

Je ne sais pas si c’est possible de dire avec autant d’élégance et de sensualité comment le sentiment amoureux met le monde en couleurs et en mouvement, comme une tornade ébouriffante et délicieuse:

« You’re the colour

You’re the movement and the spin » .

Quand l’être aimé est à la fois la couleur et le mouvement qui nous étourdissent et nous ensorcellent, alors il n’y a rien de mieux à faire que de le remercier, de le regarder tournoyer et ensoleiller la vie, et de profiter de sa simple existence.

Cette chanson est d’autant plus émouvante que l’homme qui exprime ce sentiment ne se fait guère d’illusion sur ses chances, et cela s’entend bien à son chant quelque peu monotone, désabusé mais hypnotique (il y a peu de probabilités que Markus Acher gagne « The Voice », et c’est tant mieux, car il y a des mots qu’il vaut mieux murmurer). Amoureux transi il est, amoureux transi il restera, en dehors du film, paralysé, hypnotisé – et la séquence descendante en cinq notes souligne subtilement le sentiment de peine qui le gagne, comme une tête qui s’incline doucement:

« Fail with consequence

Lose with eloquence and smile

I’m not in this movie

I’m not in this song

Never

Leave me paralyzed, love

Leave me hypnotized, love« 

Cette ballade planante est l’une de mes chansons favorites, l’une de celles que j’ai écoutées, écoutées, écoutées, toujours avec le même ravissement.

En particulier, je suis totalement dingue des trente secondes instrumentales qui démarrent à 2’59, avec juste un piano et une boite à rythmes de plus en plus discrets (comme si on retirait une à une les briques de ce pont musical), et de ce qui suit juste après: une demi-minute de temps suspendu, avant le retour de la voix et de tous les instruments pour un bouquet final extatique.

Peu de mots, peu de notes, mais tout est là, avec une précision, une subtilité, une délicatesse infinies, et infiniment rares.

Cette chanson est une merveille absolue.

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