« A Forest » est une chanson emblématique de The Cure. C’est la première grâce à laquelle le groupe a connu le succès, et c’est celle qu’il a joué le plus souvent en concert – plus de 1000 interprétations!
Moins enjoué que jamais, « A Forest » chante la fascination d’un jeune garçon pour une fille qui s’apparente en réalité à une chimère. Robert Smith croit l’entendre appeler au loin, dans l’obscurité d’une sombre forêt, et il part à sa recherche, éperdu: « I hear her voice / calling my name / The sound is deep / in the dark / I hear her voice / and start to run / into the trees. »
Mais après avoir couru à perdre haleine, il comprend finalement que cette fille n’était qu’un mirage: « Suddenly I stop / but I know it’s too late / I’m lost in a forest / all alone / The girl was never there / It’s always the same / I’m running towards nothing / again and again and again and again… »
Au-delà des paroles chantées d’une voix plaintive et glacée par Robert Smith, comme s’il nous racontait son cauchemar de la nuit dernière, ce morceau est formidable pour sa musique, qui s’apparente à la bande son de film d’épouvante – il serait parfait par exemple pour illustrer certaines scènes du « Projet Blair witch » .
Par rapport aux premiers singles du groupe (« Killing an arab » , « Boys don’t cry » ), « A Forest » est beaucoup plus « ornementé » (comme l’a dit le producteur Mike Hedges). Lawrence Tolhurst est frénétique à la batterie. Utilisée en rythmique tout au long du morceau, la guitare électrique de Robert Smith impose une cavalcade insensée, avec un solo habité à 3’10. La musique de The Cure est énormément enrichie par les apports du claviériste Matthieu Hartley, grâce auquel le son du groupe est beaucoup plus atmosphérique et envoûtant, et du bassiste Simon Gallup, dont la ligne mélodique est ici tranchante et punchy comme un uppercut de Mike Tyson, et qui conclut la chanson par quelques notes caverneuses. Le final, durant lequel la guitare de Robert Smith et la basse de Simon Gallup se livrent à un exercice d’équilibrisme musical en duo, est grandiose.
« A forest » est un anti-tube angoissant et hypnotique, qui évoque une jeunesse en quête d’absolu mais aussi désorientée que si elle était parachutée dans un gigantesque labyrinthe, une jeunesse qui appelle et à qui on ne répond pas. Avec ce morceau, The Cure pose les jalons de la cold wave qu’il va hisser à son climax avec les deux autres albums de sa trilogie de la désolation (« Seventeen seconds » , « Faith » , « Pornography » ). Trois albums qui, à mon sens, en font un groupe absolument majeur.
« Again and again and again and again… »