The Nits est un groupe néerlandais méconnu, qui trace depuis 1974 son sillon léger dans le paysage de la pop indé. À l’occasion des concerts qui ont suivi la sortie du dernier album en 2019, Télérama a parlé de « spleen en apesanteur » , et c’est très joliment dit.
Je possède plusieurs albums d’eux, et « Ting » est mon préféré pour son minimalisme, son intimisme, son mystère, sa délicatesse, et aussi pour la maturité de ses compositions et de ses orchestrations.
C’est « un album hivernal » , écrit encore Télérama, et de fait ce n’est pas un hasard si récemment j’ai eu envie de le remettre sur la platine un des petits matins qui suivent les nuits claires et glaciales, alors que derrière la fenêtre ma prairie était encore toute entière recouverte d’une gelée blanche, simplement animée par ma grande aigrette (elle aussi maîtresse dans l’art de la délicatesse).
Cet album est du début à la fin une ode à la légèreté et à la douceur, comme l’indique d’emblée son titre qui évoque un délicieux carillon: « Ting » . Quinze perles dénudées et pleines de retenue, à l’exact opposé de la furie et de l’énergie qui animait à l’époque les vagues grunge ou noisy pop (1992 c’est l’année de « Ten » des Pearl Jam, de « Dry » de PJ Harvey, et c’est seulement un an après le « Smell like teen spirit » de Nirvana…) On est ici au voisinage de Mark Hollis – d’ailleurs peut-être que ma p’tite Val va me sortir une connexion cachée dont elle a le secret entre mon partage du soir et Talk Talk? 😉
Musicalement, le piano est omniprésent durant tout l’album, le plus souvent joué sur des tempi lents, avec ça et là quelques tourbillons, comme par exemple dans le magnifique morceau d’ouverture « Cars and cars » , cavalcade effrénée d’une âme en peine empêtrée dans les filets de ses souvenirs.
Un peu de synthé accompagne ça et là ce piano, ainsi surtout que des percussions variées (des balais, des clochettes, des triangles, des xylophones, et même des boites d’allumettes secouées!). Quelques petits coups de violoncelle, parfois. Et c’est à peu près tout. La voix de Henk Hofstede, tranquille et nonchalante, est à l’avenant. C’est ciselé, précis, artisanal au sens le plus noble du terme.
L’ensemble de l’album est lumineux et serein comme un matin d’hiver, justement, avec une puissance évocatrice et une émotion palpables, vibrantes. C’est créatif, c’est subtil. C’est beau, tout simplement. Les Nits cherchent la paix dans l’âpreté du monde, et ils la trouvent. Henk Hofstede a déclaré dix après la sortie de « Ting » qu’il n’a toujours pas compris comment le groupe a atteint un tel résultat. Peu importe, il l’a atteint, pour notre plus grand bonheur.
De douceur et de délicatesse, il est particulièrement question dans cette chanson, qui entre autres images évoque un flocon de neige léger et emporté par la gravité et le vent (« Fall down like a white snowflake « ).
L’hiver dont il est question ici est un hiver dans lequel les coeurs et les têtes restent ardents, peut-être de désir. Mais c’est aussi et surtout un hiver dans lequel on a une claire et vive conscience de sa vulnérabilité, comme le disent superbement les quelques mots que je recopie ci-dessous.
Dans ce monde incertain et violent, comment trouver et cultiver le sentiment d’être en sécurité? Sans doute pas en se calfeutrant dans sa maison ou se protégeant derrière un bouclier, mais bien plutôt dans l’expression et dans l’accueil des sentiments humains qui nous relient les uns aux autres.
« I got a home but I got no shield »