Chet Baker – « Everything happens to me »

Écrite et composée en 1940 par Adair Thomas Montgomery et Dennis Matt, « Everything happens to me » est un standard de jazz que l’on croirait inventé pour illustrer la vie de Calimero (vous vous souvenez, ce petit oiseau noir au chapeau en coquille d’oeuf qui se plaignait à tout bout de champ – « C’est vraiment trop injuste! » )

Cette chanson décrit les états d’âme d’un jeune homme à qui il arrive tous les malheurs du monde dès qu’il entreprend quelque chose: s’il a un rendez-vous amoureux au golf, il pleut; s’il organise une fête chez lui, les voisins se plaignent; etc. Sa vie n’est qu’une longue succession de rhumes attrapés et de trains ratés, si bien qu’à chaque instant il se demande ce qui va encore bien pouvoir lui tomber sur la tête.

Les deux derniers refrains décrivent le plus récent de ses déboires: il est amoureux d’une fille qui le snobe en beauté. « Je ne suis tombé amoureux qu’une fois dans ma vie », se plaint-il, « pourquoi donc a-t-il fallu que ce soit de toi? »

Chet Baker n’était pas spécialement ce qu’on peut appeler un joyeux drille. Sur l’échelle du beau ténébreux, il trônait même sur les barreaux les plus élevés – c’était le James Dean de la trompette. Il était donc LE jazzman par excellence dédié à reprendre ce standard, et il le fait magnifiquement, avec voix suave et d’une infinie lassitude. Le passage qu’il joue à la trompette, aérien et léger, est une petite respiration avant que la langueur ne le reprenne.

Enregistré en 1954, l’album sur lequel figure ce morceau, « Chet Baker sings » , fait partie de ceux qui se sont le mieux vendus dans l’histoire du jazz, mais beaucoup de critiques spécialisés l’ont pris à la légère, voire l’ont carrément dédaigné. Peut-être justement parce qu’il avait bien marché? Trop lisse, trop parfait, trop west coast?

J’avoue que je me moque pas mal de ces jugements. J’ai beaucoup de mal avec le jazz démonstratif et virtuose, en particulier avec le bebop ou le free, que je trouve souvent inaudibles. Je préfère infiniment le jazz accessible, celui dans lequel les mélodies et les orchestrations sont toutes simples, mais emplies d’âme et de sensibilité.

Comme sur ce « Everything happens to me » de légende, par exemple.

« I’ve telegraphed and phoned, I sent an airmail special too

Your answer was goodbye and there was even postage due

I fell in love just once, and then it had to be with you

Everything happens, to me »

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