Björk – « Hunter »

Pour son quatrième album « Homogenic » (1997), Björk explique qu’elle n’a gardé en musique que les trois bruits essentiels, les trois bruits qui existent depuis la nuit des temps, qui lui parlent le plus et qui sont pour elle les plus puissants et les plus primordiaux: la respiration, le cœur qui bat et les nerfs qui frémissent, aussi vivement que les coups secs de cordes de cette chanson.

Sur « Hunter », ces trois sons s’expriment de façon étonnamment vivante et vibrante. C’est une chanson qui dit que la vie est une aventure: tel un chasseur, il faut la traverser en âme errante, en traquant les émotions sans s’arrêter en chemin, car s’arrêter, c’est déjà mourir à petit feu. « J’ai soif de surprises« , aime à dire Björk.

Pour ma part, ce n’est pas du tout ma philosophie de vie, et je crois que ça ne le sera jamais, car je suis assez casanier, et surtout je mets du temps à m’attacher, et quand je le suis je mets peut-être encore plus de temps à dénouer les liens.

Mais il y a quelques temps, j’ai écouté un podcast sur le philosophe Vladimir Jankélévitch qui m’a mis une jolie puce à l’oreille.

Jankélévitch propose une distinction très intéressante entre l’aventurier et l’aventureux.

Être aventurier, dit-il, c’est faire preuve d’un état d’esprit assez bourgeois, au fond: on coche des lieux dans lesquels on est allé, on collectionne des souvenirs et des photos, mais on peut tout à fait revenir de ses voyages sans avoir été changé le moins du monde. L’aventurier est « un professionnel des aventures« . Le symbole moderne de l’aventurier, c’est le touriste qui se gargarise d’avoir « fait » le Portugal, Prague ou la grande muraille de Chine. Et alors?

Quant à l’aventureux, c’est tout à fait autre chose: c’est quelqu’un qui se projette dans le futur, qui prend des risques, qui s’expose, chaque jour de sa vie. Être aventureux, c’est un style de vie. Surtout, ce qu’on cherche à dévoiler alors, ce n’est pas des parties du monde qu’on ne connaissait pas, mais des parties de soi dont on ne soupçonnait pas l’existence, ou dont on n’imaginait pas qu’elles puissent être intéressantes, ni qu’elles pourraient intéresser ou émouvoir autrui, et encore moins qu’elles pourraient nous rapprocher des personnes qui nous entourent et qui nous sont chères.

Si c’est à la deuxième définition que pense Björk quand elle se décrit comme une femme qui n’a pas trouvé sa maison et qui se met en chasse pour la trouver, alors moi aussi je veux bien être considéré comme un voyageur, car moi aussi je cherche encore: où j’habite, qui je suis, ce que j’aime de tout mon coeur, quelle est ma place dans ce monde, ce que j’ai de mieux à lui apporter, quelle trace et quel souvenir j’ai envie de laisser…

« If travel is searching

and home has been found

I’m not stopping

I’m going hunting

I’m the hunter »

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