Sorti en 1983, l’album « Quelqu’un de l’intérieur » est l’un de ceux que j’ai le plus souvent écoutés lorsque j’étais ado. Alors que j’étais par ailleurs fasciné par le côté obscur de la force, qui me faisait aussi adorer la trilogie ténébreuse de The Cure et croire que ma vie n’allait me conduire que d’échec en échec, j’avais aussi besoin de la bonhomie et de la confiance sereine du moustachu d’Astaffort.
De Francis Cabrel, j’adorais les chansons d’amour romantiques (« La fille qui m’accompagne », « La prêtresse gitane », « Je l’aime à mourir »), et les descriptions nostalgiques d’un monde déjà fracassé par la modernité (« Le petit gars », « Ma place dans le trafic », « Carte postale »…).
Mais les chansons qui me touchaient le plus, qui m’ont le plus durablement marqué, et que je trouve encore aujourd’hui les plus émouvantes, ce sont celles qui me faisaient sentir qu’au fond de moi, j’étais un garçon timide, maladroit, tendre et sensible, comme « Leila et les chasseurs » ou « Quelqu’un de l’intérieur ».
À l’époque, cela me faisait beaucoup souffrir de me sentir ainsi, j’aurais voulu être à l’aise et sans complexe, tel le premier mâle alpha venu. Aujourd’hui, l’âge et l’expérience aidant, et quelques réussites professionnelles derrière moi, il paraît que j’impressionne beaucoup les gens et qu’on ne soupçonne pas que je puisse être fragile et émotif. Pourtant je le suis toujours, je tremble toujours, je pleure toujours aussi facilement, et lorsque j’ai à exprimer quelque chose d’important, j’ai toujours la gorge nouée et je ne sais toujours pas trop quoi dire ni comment le dire.
Depuis quelques années, j’apprends à m’ouvrir, à me relier, et à savourer le goût de la chaleur humaine, à mesurer la valeur du soutien que l’on peut m’offrir ou que je peux offrir. Mais je sais que je suis et que je resterai quelqu’un de l’intérieur, qui aime rêver, imaginer et créer. Je sais aussi, et c’est cela le plus réconfortant pour moi, que c’est ce côté là de moi-même qui touche le plus et qui plaît le plus aux gens qui comptent vraiment pour moi, qui peuplent ma vie ou que j’ai envie d’y faire entrer.
Et cela tombe bien, parce qu’aujourd’hui, être quelqu’un de l’intérieur qui s’ouvre au monde et aux autres, c’est à cela que je veux ressembler.
« Mais si un jour je dévoile
les secrets de mon âme »