The Rolling stones – « You can’t always get what you want »

Sortie en 1969 sur l’album « Let it bleed » , l’un des meilleurs, des plus inventifs et des plus puissants des Stones, cette chanson le clôt sous la forme d’un sermon assez inattendu.

Elle est introduite par les voix angéliques du London Bach chorale, haut perchées et mixées dans le lointain, comme s’il s’agissait d’un essaim de Jiminy Cricket venant nous rappeler quelques paroles de sagesse: ne pas trop attendre de la vie, ne pas désirer frénétiquement et sans limites, identifier de façon précise ce qui compte le plus, ce dont on a le plus besoin, ce dont on ne pourrait aucunement se passer, et faire le nécessaire pour l’obtenir…

Mais mais mais… Les bad boys du sex, drugs & rock’n roll ne seraient-ils pas en train de nous prôner les vertus de la tempérance et de la persévérance (quand même même pas de l’abstinence, faut pas déconner non plus)? « You can’t always get what you want » serait-elle le « Let it be » des Stones? J’imagine en tous cas que pour bien des jeunes fans, ça a du être une drôle de surprise que de constater que ce disque si sombre, si brutal, si désespéré, se clôturait par un message aussi « raisonnable » !

Musicalement, ce morceau n’est pas moins étonnant. Il démarre dans une ambiance de gospel léger et aérien, avec ces voix d’enfants de choeur. Puis il se déploie lentement (7’26 quand même), avec de légers riffs de guitare acoustique, des nappes d’orgue, des arpèges ondoyants de guitare électrique, des gammes de piano survoltées, une batterie déchaînée, des bongos toniques, le tout fermement rassemblé par la voix de Mick Jagger, toujours aussi charismatique. Et comme souvent chez les Stones, plus le morceau avance et plus il devient ample et puissant, puis carrément endiablé, jusqu’à un final en apothéose.

Jusqu’à peu je n’aimais pas trop les Rolling Stones, et je l’ai d’ailleurs écrit l’année dernière dans mon partage de « She’s a rainbow » .

Mais ces derniers mois, je suis parti à la découverte de leur discographie, j’ai réécouté plus attentivement certains de leurs plus grands succès, et je dois dire que je suis carrément enthousiasmé par plusieurs d’entre eux. Certes, le groupe est moins policé que les Beatles, qui correspondent davantage à mon caractère et au milieu social dont je viens, mais je dois dire que je suis très sensible à l’énergie et à la rage qui se dégagent des compositions et des interprétations des Stones. Pour Jagger et sa bande, les années 60 n’annonçaient pas un monde de paix, d’amour et de flower power, mais la difficulté à trouver sa place, la désillusion, l’âpreté des combats politiques… Ils n’appelaient pas à envoyer des bisous, mais à se battre.

C’est peut-être pour cela, d’ailleurs, que je les redécouvre aujourd’hui, parce que c’est un état d’esprit dans lequel je me reconnais de plus en plus, et parce que la période que nous vivons doit être envisagée ainsi. L’avenir est sombre et terriblement angoissant, on ne pourra bientôt plus se réfugier nulle part (« Gimme shelter » , ce sera un appel en pure perte), il y a des ennemis à désigner et à mettre hors d’état de nuire. Et quoi qu’on fasse, que nous le voulions ou non, certains de nos désirs ne pourront bientôt plus être satisfaits (« I can’t get no satisfaction » ), la sobriété contrainte et le rationnement vont devenir des réalités pour à peu près tout le monde…

J’espère bien qu’on pourra encore, malgré tout, obtenir l’essentiel, à savoir la chaleur humaine et l’amour. Parce que vous savez,

« You can’t always get what you want

But if you try sometimes you might find,

you get what you need »

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