Petite réflexion sur ce que signifie concrètement un esclave énergétique.
Dans la ferme de mes voisins éleveurs, il y a 2 petites bergeries dont il fallait tirer le fumier ce week-end.
– La première a une porte assez haute pour qu’un petit Bobcat y entre, et le travail a été bouclé dans la matinée, sans fatigue.
– Mais la deuxième a une porte trop basse. Il a donc fallu utiliser un autre genre d’esclave, le voisin. En trois heures, je n’ai fait que 10 à 15% du travail, avec comme punition un dos bien endolori.
Pourquoi je raconte ma vie?
Parce que je suis de plus en plus persuadé que si on vit en ville, même si on a lu Jean-Marc Jancovici, Les Greniers d’Abondance ou Stéphane LINOU, même si se fournit à une AMAP, même si on est sociétaire de Terre de Liens, etc., on ne peut pas vraiment se rendre compte de la quantité d’énergie et de travail qui est nécessaire pour produire la nourriture qui est dans son assiette matin, midi et soir.
C’est absolument phénoménal.
Si on n’avait pas d’esclaves énergétiques pour faire le travail à notre place (correction: QUAND on n’aura plus d’esclaves énergétiques pour faire le travail à notre place), ce serait (ce sera) littéralement éreintant de se nourrir.
A titre personnel, je vis sur plusieurs hectares à la campagne et je fournis un travail important pour être à peu près autonome en légumes (à peu près, et en faisant beaucoup de conserves, ce qui prend beaucoup de temps…), mais je ne produis sans doute même pas 10% des calories que j’ingurgite (car je ne produis ni céréales, ni viande, ni lait, et une quantité encore trop modeste de tubercules, de légumineuses et de fruits à coques). Il m’arrive souvent de consacrer beaucoup de temps et de travail à des cultures qui finalement ne donnent rien ou pas grand chose, le plus souvent à cause d’un aléa météorologique, donc à cause de quelque chose qui arrivera de plus en plus souvent du fait du changement climatique. Pour le reste, donc pour 90% de mon alimentation, je profite des multiples esclaves énergétiques qui sont « employés » dans les fermes… Ce matin, j’ai encore pu méditer sur le caractère inouï du travail que ces machines fournissent.
Il faut le dire, le redire et le re-redire: la dépendance de nos systèmes nourriciers aux énergies fossiles est quasi totale (il y a le diesel des engins agricoles et des camions qui roulent depuis et vers les usines de l’agro-alimentaire et les magasins, il y a le gaz utilisé pour produire les engrais, etc.), et leur résilience face à la crise énergétique qui se profile est proche de zéro.
Et je dois dire que je suis éberlué de constater que ça n’a pas l’air d’affoler grand monde.
