Cette pièce musicale, l’une des plus célèbres œuvres d’Henry Purcell, est tirée de la suite orchestrale « Abdelazer suite » qu’il a composée à la fin du XVIIème siècle, peu avant sa mort à l’âge de 36 ans seulement. Il l’a créée pour accompagner un drame en prose, « Abdelazer ou la revanche du Maure » , qui avait été écrit 20 ans plus tôt par l’une des premières femmes de lettres professionnelle d’Angleterre, Aphra Behn.
Au cours du XVIIème siècle, l’aristocratie anglaise aimait beaucoup le théâtre (un héritage de Shakespeare, mort en 1616), et elle appréciait qu’il s’accompagne de musique, pour ponctuer la pièce ou pour soutenir la mise en scène (très souvent, les comédiens étaient aussi chanteurs).
À la période baroque, le rondeau était un forme musicale très utilisée, qui alternait un refrain et des couplets, à la manière de ce qu’on appelle aujourd’hui une chanson. Dans celui-ci, Purcell utilise les premiers violons pour exprimer la mélodie, tandis que le reste de l’orchestre donne l’harmonie. La pièce démarre d’emblée par un refrain majestueux et martial qui s’apparente à une marche solennelle, du fait que tous les instruments jouent sur le même rythme. J’adore notamment la partie centrale de ce refrain, constituée de quatre mesures identiques mais qui débutent sur une note différente, en descendant à chaque fois (on appelle cela une « marche descendante » ).
Il paraît que le soir de la première de la reprise de « Abdelazer ou la revanche du Maure » , en 1695, les spectateurs du Théâtre Royal à Londres n’ont pas vraiment été convaincus, mais ils ont été très séduits par la musique de Purcell, en particulier par la courte chanson à la fin de la pièce. Ce rondeau a tellement plu, il a été tellement réclamé par le public dans les années qui ont suivi, qu’au fil du temps on a pris l’habitude de le jouer séparément de la suite dont il est issu. Récemment il a été fois utilisé dans des bandes originales de film – par exemple « Orgueil et préjugés » , l’un des films préférés de ma fille Aurore.
Dernièrement je me suis fait la réflexion, en écoutant ce « Rondeau from Abdelazer » dans cette superbe version jouée sur instruments originaux, que cette richesse, cette élégance et cette subtilité donnent quand même un peu envie de pleurer sur la pauvreté de l’essentiel de la musique contemporaine…