Après « White chalk » en 2007, PJ Harvey sort en 2011 un nouvel album concept (« Let England shake »), mais très différent celui-ci.
Alors que le précédent disque évoquait des tourments intimes, celui-ci aborde un thème éminemment politique: les guerres. Celles qui à l’époque sont en cours ou à nos portes (en Afghanistan, en Irak), mais aussi celles auxquelles l’Angleterre a participé au cours de son histoire.
Les premiers vers de l’album donnent le ton (« Let England Shake / weighed down with silent dead » – « Que l’Angleterre tremble / sous le poids de morts silencieux« ): il s’agit ici de rendre un hommage aux disparus et de dénoncer l’absurdité qui a volé leur vie, les boucheries inutiles, les meurtres aveugles, les corps enterrés dans des fosses communes…
Cette thématique générale explique sans doute le retour à des sonorités plus rock et énergiques, avec une forte présence des guitares. PJ Harvey y mêle des textes d’une poésie superbe, qu’elle a écrits en s’inspirant de lettres de soldats dans lesquels ils racontent leur terreur, la vie dans les casernes et les tranchées, leur espoir de revenir vivants et entiers…
Dans « In the dark places », PJ commence par décrire ce que vivent les soldats qui partent au combat à travers les forêts et les champs, dans la poussière et dans la nuit, mais toujours la peur au ventre, et toujours avec ancrée en eux une envie folle de se cacher, de se terrer pour se donner une chance de survivre. Ce qu’elle chante, au fond, c’est que personne de normal n’est « va t’en guerre », que personne n’a envie de partir vers l’enfer (« hellwards« ).
Après une première partie de chanson rythmée mais un poil monotone, peut-être pour souligner l’accablement et l’angoisse sourde des soldats entre les batailles, Polly Jean semble soudain se redresser à mi-morceau. À trois reprises (à 1’39, à 1’44 et à 1’49), la guitare se fait plus vive et plus nerveuse et monte en intensité, peut-être pour évoquer les décharges d’adrénaline que les soldats doivent encaisser lorsqu’ils partent au front en hurlant contre « l’ennemi ».
« In the dark places » est un très bel hymne pacifiste, chanté avec respect par une PJ inspirée. Une sorte de monument aux morts musical, que l’on ne peut qu’écouter dans le recueillement.
« We got up early,
washed our faces,
walked the fields,
put up crosses.
Passed through
the damned mountains,
went hellwards,
and some of us returned,
and some of us did not »