Sortie en 1989 sur le 21ème album d’Henri Salvador (« Des goûts et les couleurs »), « Les Voleurs d’eau » est une chanson qui paraît aujourd’hui cruellement d’actualité, alors que la France connaît depuis un an une sécheresse historique, et quelques jours après un déchaînement de violence mis en œuvre par l’État pour protéger un délirant projet de bassine à Sainte-Soline.
Écouter aujourd’hui la chanson titre de ce disque, qui parle d’un projet de barrage dans la montagne et du combat des populations autochtones pour empêcher sa construction, c’est comprendre que ce qui se passe à Sainte-Soline, ce qui s’est passé à Sivens, et ce qui se passera bientôt un peu partout, ce n’est pas un épiphénomène du à l’excitation de quelques éco-terroristes contre quelques accapareurs d’eau isolés: non, c’est juste un épisode parmi d’autres de la guerre sans pitié que la société industrielle mène contre le vivant et contre celles et ceux qui veulent le défendre.
« Les Voleurs d’eau » est une chanson émouvante par sa musique, qui est adaptée d’un thème traditionnel et qui s’apparente à une marche solennelle, avec des choeurs inflexibles qui se transforment pour finir en une foule puissante et décidée.
Quant au texte de Bernard Michel, il donne la parole aux vrais paysans, ceux qui depuis des temps immémoriaux nourrissent leurs familles sans épuiser la nature dans laquelle ils sont immergés (« Nous vivions si tranquilles de nos travaux / Quand nous montions dans nos barques / Lorsque nous pêchions dans le lac heureux, heureux« ).
Il dénonce aussi ceux qui « détournent la rivière« , qui « se moquent de nos misères » (ceux qu’aujourd’hui on ne peut pas qualifier autrement que comme des industriels de l’agriculture), et les puissants qui les protègent (« Ils nous montrent des contrats, c’est tout, c’est tout, / qui leur donnent tous les droits sur nous, sur nous« ).
Mais ce texte, bien plus politique qu’il peut sembler au premier abord, contient aussi un appel à la lutte: « Il faut sortir nos fusils, là-haut, là-haut / Il faut lutter pour nos vies« ; « Nous devons les empêcher là-haut, là-haut / de détruire nos foyers si beaux, si beaux« .
L’État peut toujours essayer de museler et de terroriser les opposants, Darmanin peut toujours essayer de dissoudre Les soulèvements de la terre, ils reviendront sous un autre nom, gonflés de plus de colère et de détermination encore.
Les voleurs d’eau, ça suffit. No bassaran.
« Ils veulent nous rayer du temps
et puis du monde des vivants
pour de l’argent, l’argent
Que ferions-nous dans leur ville tombeau, tombeau
Comme des tigres qu’on exile au zoo, au zoo?
C’est pourquoi jusqu’au dernier
nous lutterons pour exister
pour l’eau, pour l’eau, pour l’eau, pour l’eau
de l’eau, de l’eau »