Jusqu’à il y peu de temps, je faisais partie des gens qui relativisent les discours sur la dérive autoritaire de l’État français.
Mais je commence à trouver qu’en effet, ce qui se passe ne sent pas bon du tout, du tout.
Je continue à penser qu’il est faux et même dangereux de considérer que nous sommes en régime totalitaire ou en dictature (ces comparaisons reposent à mon avis sur une méconnaissance de ces concepts). Il existe encore en France quelque chose qui s’apparente à un État de droit, la liberté de réunion et d’expression sont globalement maintenues. À mon avis, prétendre qu’on est déjà en dictature, c’est insultant pour celles et ceux qui vivent réellement en dictature, et pour qui la France est un pays de Cocagne.
Mais depuis quelques temps, je suis bien obligé de constater que ces libertés sont très gravement mises à mal et que les principes démocratiques les plus élémentaires sont bafoués par les institutions et par de plus en plus de personnalités politiques en leur sein.
On assiste à un durcissement brutal et extrêmement inquiétant dans les politiques de maintien de l’ordre.
La stigmatisation des militants écologistes se déploie de façon affolante avec ce qualificatif infamant et stupide d’éco-terrorisme, et on en arrive maintenant au stade de la criminalisation avec le projet dingue de dissoudre Les soulèvements de la terre. Alors même que les vrais éco-terroristes (industriels des fossiles, avionneurs, bétonneurs, banquiers, représentants de l’agro-industrie, lobbies de la bagnole, etc.) sont préservés, et même encouragés et aidés financièrement par l’État.
Et voilà maintenant que le ministre de l’Intérieur laisse planer une menace sur la subvention accordée par l’État à la Ligue des droits de l’Homme!
Dans les cours d’introduction à la science politique en première année, il y a une partie sur les régimes politiques dans laquelle on parle notamment de la montée en puissance de régimes hybrides, que certains auteurs appellent des « démocraties autoritaires » , des « démocraties illibérales » ou des « démocraties sécuritaires » .
On cite souvent l’exemple de la Russie (un régime autoritaire qui a essayé de se donner une apparence démocratique), ou à un degré moindre des États-Unis (un régime démocratique dans lequel les dérives autoritaires sont de plus en plus manifestes).
La France n’y est pas encore, il reste de la marge, mais enfin ces dernières années on s’en rapproche très dangereusement, et de plus en plus vite.
Et ce qui est très inquiétant, c’est qu’on n’en est pas encore à subir vraiment la rareté énergétique, les conséquences du changement climatique sur le cycle de l’eau et la production alimentaire ne font que commencer, etc. Quand je vois la façon dont l’État gère aujourd’hui une situation qui est à peu près stable, j’ai de grosses inquiétudes sur ce qui risque de passer dans quelques années, quand ce sera sauve-qui-peut et recherche de boucs émissaires tous azimuts…