Charles Trénet » – Le soleil et la lune »

Il y a quelques jours, le dieu des rencontres a déjoué une tentative de rendez-vous que nous étions deux à souhaiter depuis un bout de temps. Ironie du sort, la veille j’avais justement écouté un podcast assez passionnant sur la rencontre, un mot du vieux français qui signifie « heurter quelqu’un sur son chemin » .

Qu’est-ce que c’est que rencontrer vraiment quelqu’un (ou une œuvre, ou un paysage)? Pourquoi ça nous bouscule à ce point? Si ça ne nous bouscule pas, d’ailleurs, est-ce qu’on s’est vraiment rencontrés, ou est-ce qu’on n’a pas fait que se croiser? Comment peut-on faire pour accroître les chances de rencontres? Et quand elle a enfin eu lieu, à quels indices peut-on dire qu’une rencontre est réussie?

Ce n’est pas ce jour-là que j’ai eu de quoi affiner les réponses à ces questions. Une autre fois?

En écoutant cette chanson le soir de ce rendez-vous raté, je me suis rendu compte que je n’apprécie pas trop l’interprétation un peu survoltée et maniérée de Charles Trénet.

Mais le texte me touche énormément, pour sa limpidité, son rythme, l’élégance de la plume, et pour les connexions que Trénet établit entre la rencontre amoureuse et la quête du bonheur. Dans les deux cas, bien souvent, on cherche au loin alors qu’il suffirait d’ouvrir les yeux et de tendre la main…

Je trouve que ces paroles ont la beauté de certaines poésies écrites spécialement pour des enfants (par exemple celle de Robert Desnos sur la fourmi de dix-huit mètres), ou des poèmes en prose de Jacques Prévert. C’est simple, c’est touchant, c’est innocent et doux, et ça donne envie de se mettre en mouvement, d’aller au devant, de faire le nécessaire pour qu’une éclipse ait lieu et pour que la lune et le soleil puissent s’aligner.

En écrivant ces mots, je pense à ce que les grecs appelaient le « kairos » , c’est-à-dire le moment opportun, ou comme l’a écrit Aristote, « le bon moment pour agir » . À première vue, cette chanson de Trénet décrit un amour impossible, et elle est donc peine de mélancolie. Mais en réalité elle dit aussi qu’il faut savoir saisir sa chance lorsqu’elle passe, même si l’apparition est brève et fugace. Et plus largement, elle dit que la vie toute entière est une succession de moments où des chances se présentent, parfois sous des maquillages inattendus, voire improbables. Ces chances, on peut les laisser filer, comme d’habitude. On peut aussi choisir de les saisir.

« Il est où le bonheur, il est où? » Dans un texte de Trénet, par exemple.

« Philosophes, écoutez cette phrase est pour vous:

Le bonheur est un astre volage

qui s’enfuit à l’appel de bien des rendez-vous

Il s’efface, il se meurt devant nous

Quand on croit qu’il est loin, il est là tout près de vous

Il voyage, il voyage, il voyage,

puis il part, il revient, il s’en va n’importe où

Cherchez-le, il est un peu partout »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *