En 1997, Radiohead sort un album fantastique (« OK computer ») qui vient méchamment gâcher la fête et dire haut et fort que le monde, en tous cas la société industrielle et consumériste, sont en train de filer un très, très mauvais coton.
Ce que le groupe voit poindre à l’horizon (avec une clairvoyance a posteriori assez peu contestable), c’est l’obsession sécuritaire, l’enfermement dans la technologie, le durcissement du débat public et le repli sur eux-mêmes des mouvements de pensée et des communautés, l’effondrement des échanges véritables au profit des contacts numériques… « OK computer » est en quelque sorte la version musicale de l’excellente série britannique « Black mirror », elle aussi sacrément lucide et glaçante.
Ce que Radiohead décrit dans l’album a de quoi rendre parano et donner envie de se casser n’importe où en dehors de ce cauchemar, et c’est exactement ce que chante cette chanson, dans laquelle Thom Yorke va jusqu’à supplier les extraterrestres de l’emmener vers un monde meilleur, en tous cas moins désincarné et plus humain. Cruelle ironie!
J’adore « Subterranean homesick alien » pour ses puissantes décharges de guitares électriques (comme dans certains passages de « Paranoïd android »), pour ses arrangements toujours aussi riches et complexes, mais surtout, surtout, pour l’intro de 28 secondes, en deux parties aussi lunaires l’une que l’autre: l’une des plus fabuleuses que je connaisse, à tel point qu’il m’arrive souvent de la réécouter plusieurs fois avant de lancer le morceau…
« Of all these weird creatures
who lock up their spirits
drill holes in themselves
and live for their secrets »